C'est à croire que Sidna Ramadhan ne frappe pas aux portes des gens de la même façon ! Mois de haute spiritualité et de grande dévotion pour certains, il est, pour le plus grand nombre, un simple mois, propice à la ripaille et à la paresse. Il semble que c'est cette dernière catégorie qui a droit au chapitre et pignon sur rue. Pour ceux-là, généralement, les réveils ne sont pas glorieux. Et les journées, tout au plus, d'éreintantes haltes. Tout y est au point mort. Jusqu'au moment d'aller faire son marché. Ouvrant grandes les écluses à l'appel des sens, tout ce qui remplit le couffin est bon. Quitte à s'endetter pour le restant de ses jours. A l'appel du muezzin, la meida fait office d'arche de Sidna Nouh. Quelques minutes plus tard, une bonne partie de ce qui a été ramené du marché et acheté avec les yeux pour être « mangé avec les yeux », prend le chemin des vide-ordures du quartier pour aller participer aux compactages de nos célèbres CET, ces centres d'enfouissement techniques, si chers au sympathique Rahmani. A l'appel de la prière des Taraouih, les implacables requins des marchés se transforment en paisibles colombes. Il en est même qui réservent leurs places au premier rang. Comme pour se purifier - ou expier - d'avoir incendié les porte-monnaies des ménagères. On lave ses os cariés comme on peut. D'autres réservent cette purification aux Omra qui succéderont au mois sacré. Avec, cependant, l'argent des gros et indécrottables boustifailleurs du Ramadhan. Et la bénédiction des bourses trouées. C'est sûr que ce mois ne déroule pas ses jours de la même façon pour tout le monde. Il en est, heureusement, certains qui en font une période propice pour faire leurs bilans moraux. Et qui redoublent de privations pour se mettre, trente jours durant, au niveau de ceux et de celles qui souffrent des affres de la privation et de ses corollaires, la faim et le besoin. Tout au long de l'année et non pas un mois seulement. Et il en est qui, au lieu d'ouvrir leurs cœurs et leurs esprits aux bruissements angéliques qui les appellent, préfèrent laisser leurs lourdes panses parler. Alors, mois sacré ou sacré mois ? C'est à chacun de voir où il en est de ces extrêmes ramadhanesques.