II y a quelques années, elle a édité une lecture du « Fils du pauvre » de Mouloud Feraoun. C'est dans le même esprit qu'elle vient d'éditer « L'exil et la mémoire », une lecture des romans de Taos Amrouche. Mme Amhis-Ouksel explique d'emblée ce qui a amené la romancière à se raconter, à opérer une sorte de catharsis pour se guérir d'un tourment existentiel douloureux. Taos Amrouche entame une véritable quête de soi en interrogeant son passé dans un questionnement lancinant, quasi-obsessionnel, après une question que lui a posée par hasard un de ses amis. Taos Amrouche, souligne l'auteur de cette lecture, prend conscience de la singularité de son destin. « Une femme condamnée à la solitude à laquelle elle était promise depuis toujours comme une sorte de fatalité, le destin qu'il fallait subir. » L'exil de la famille Amrouche en Tunisie, son enfance, le pays perdu, sont en grande partie, selon Mme Amhis-Ouksel, les principales causes du désarroi et de l'exil intérieurs dont souffrait durant toute sa vie la romancière. L'installation en Tunisie des Amrouche était une véritable déchirure pour la jeune fille. Celle-ci se sentait constamment déracinée, loin de son milieu naturel. « Une haute tragédie se déroulait dans notre maison du matin jusqu'au soir comme sur une scène antique et que le moindre caillou jeté par mégarde réveillait toutes sortes d'échos et de résonances, de lointaines rumeurs qui s'élevaient vers nous comme du fond du puits des âges », écrivait Taos Amrouche. Dans le roman « Rue des Tambourins », écrit Mme Amhis-Ouksel, le personnage principal, Marie Corail, s'accroche désespérément à l'enfance qui représente pour elle la sécurité, l'innocence et la pureté. Ce besoin d'enfance ne relève pas de l'infantilisme. Il montre à quel point l'héroïne ne veut pas grandir par peur de l'avenir. Jean Amrouche, le frère de l'écrivaine, a estimé dans la présentation de ce roman que « ce livre raconte une partie de l'histoire de ma famille, ressaisie et métamorphosée par la mémoire et le prisme d'une conscience de femme qui, dans le mouvement qui la porte à reconstituer des épisodes de son enfance, la revit pour l'exorciser ». Dans « Jacinthe noire », Reine, l'héroïne, se révèle à travers le regard de Marie Thérèse. Elle ne cherche pas à s'intégrer ou s'insérer dans le groupe de la pension. L'héroïne désire s'affirmer dans sa différence, sans se sentir obligée d'être autre que ce qu'elle est. Mieux, elle veut uniquement évoluer dans un monde autre sans, toutefois, renoncer à ce qui est, à ses yeux, fondamental : ses valeurs culturelles. Dans « L'amant imaginaire », la romancière tente vaille que vaille de chercher à « se comprendre et faire comprendre ». Taos Amrouche entreprend une véritable auto-analyse, une quête de soi pour, note Mme Amhis-Ouksel, « trouver les raisons à ses échecs récurrents ». Dans cette œuvre, fait observer l'auteur, « les retours en arrière s'inscrivent dans une tentative de voir plus clair, de chercher la source profonde du mal qui fait de l'héroïne un être de souffrance, en perpétuel décalage avec la réalité ». Dans « Solitude ma mère », Taos semble appeler sa maman pour la secourir dans ses angoisses existentielles et de ses échecs amoureux répétitifs. Le travail que fait Djohar Amhis-Ouksel sur les écrivains algériens est d'autant plus méritoire qu'il permet aux jeunes lecteurs de mieux connaître les pionniers de la littérature algérienne. Il permet une meilleure compréhension de ces écrivains et de leurs œuvres.