Ses maîtres se comptent sur les doigts d'une main, eux qui, dans les siècles, voire les années passées, ont écrit l'histoire artistique de l'Algérie en lettres d'or. Driss Zolo est l'une de ces rares personnes qui ont préservé le métier de leurs ancêtres. Fils et petit-fils de dinandiers, il essaye, tant bien que mal, de transmettre, sinon sauver cet art de la disparition. Et c'est dans son atelier à la Maison de l'Artisanat à Triolet (Alger), qu'il nous accueille pour parler de son métier : la dinanderie. Ces théières, cafetières, plateaux et objets en cuivre travaillés avec un art consommé que l'on dit venu du pays de « l'Andalouss ». Né en 1954, il a entamé sa carrière à l'âge de 13 ans. C'était dans l'un des ateliers de son père, El Hadj Zolo, dans la Basse-Casbah. « Je n'étais pas très brillant à l'école. Mon père, déjà dinandier, a jugé que ce métier me convenait mieux. Il m'a donc confié à son élève, el Hadj Benmira », raconte-t-il. Pour l'enfant de Montplaisant, en haut du Beau Fraisier, cela n'a pas été facile d'apprendre les ficelles du métier. Il avoue même avoir beaucoup souffert. « J'aimais beaucoup apprendre de nouvelles choses dans la vie. Et la dinanderie faisait partie de ces choses-là », dira-t-il. Au fil du temps, Driss Zolo a su s'imposer parmi les maîtres de la dinanderie en Algérie. D'ailleurs, il a gagné cinq prix nationaux en 1971, 1973, 1984, 1997 et 2001. AUTRES TEMPS, AUTRES MŒURS Porté aux nues dans le passé, le métier d'artisan dinandier subit de nos jours les affres de la « mondialisation » marchande et occidentale à l'envi. Ses maîtres sont réduits à une peau de chagrin tentant, non sans mal, de défendre une profession qui incarne pourtant un pan entier de notre identité. « Notre culture, qui faisait la fierté de l'Algérie, a cédé la place à la médiocrité. Une nation est identifiée à partir de sa culture et de son patrimoine artistique. Malheureusement, la société algérienne est réduite à une société consommatrice », poursuit-il. En ce qui concerne la dinanderie, M. Zolo soutient que « le métier n'est plus comme avant. Nous ne sommes plus assez nombreux comme par le passé. D'ailleurs, il ne reste dans ce métier que deux personnes et moi », regrette-t-il. Le travail manuel étant remplacé par les machines, et le manque de moyens a favorisé une telle situation. « Nous n'avons plus les moyens d'antan et la matière première nous coûte les yeux de la tête. Résultat : nous ne pouvons plus prendre en charge la nouvelle génération qui, faut-il le souligner, a soif d'apprendre ce métier », poursuit-il, précisant au passage que le nombre de filles qui veulent faire de la dinanderie leur métier est en nette progression. « Avant, ce métier n'était fait que par les hommes. Toutefois, au cours de ces dernières années, les filles s'y intéressent de plus en plus », assure-t-il. Face à cette situation alarmante, le maître dinandier ne perd pas espoir. Pour lui, un jour, la dinanderie retrouvera ses lettres de noblesse grâce à un retour aux choses du terroir. « Cela a été constaté lors des expositions et des foires. L'Algérien a toujours soif d'apprendre. Il suffit juste que les pouvoirs publics s'impliquent en mettant le paquet pour que ce métier renaisse de ses cendres ». Et sur ce point, il n'hésite pas à lancer un appel aux plus hautes autorités pour prendre les choses en main. « Sans l'aide des autorités, ce métier, qui a fait les beaux jours de l'Algérie, disparaîtra à tout jamais. Certes, les différentes institutions annoncent des financements un peu partout sur l'ensemble du territoire national, mais sur le terrain aucune amélioration n'a été constatée. Même sur le plan de la formation. Les centres de formation professionnelle se limitent à quelques métiers seulement, dont la poterie. Mais aucune mesure n'a été prise pour sauver la dinanderie », conclut-il non sans une pointe de dépit.