Ces derniers mois, l'émigration clandestine a refait surface. De nombreux candidats à la Harga désirant rejoindre l'autre rive ont été secourus et/ou arrêtés en pleine mer. C'est le cas de 42 harraga interceptés dimanche dernier au large de Ghazaouet par les gardes- côtes, et qui ont été présentés au parquet. Lors de leur tentative de rejoindre l'autre rive de la Méditerranée, ils étaient à bord de deux embarcations pneumatiques dotées de hors-bord de 40 CV. Parmi les harraga figuraient 6 mineurs et 4 femmes, alors que les deux passeurs ont été arrêtés à Honaine et un autre à Mostaganem. Selon des avocats, c'est un phénomène qui menace à plus d'un titre le pays, car il s'agit d'une véritable tragédie nationale. Dans ce sillage, Me Barka Mustapha dira : « La politique actuelle a failli à sa mission devant l'évolution démographique, la croissance économique sur tous les plans, ce qui a engendré le chômage, la déperdition scolaire, et des diplômés à la rue ». Un autre avocat qui a donné plusieurs conférences à ce sujet, s'est interrogé si le harrag est coupable ou victime ? « Ce n'est pas mon rôle en qualité d'avocat d'analyser les causes de l'émigration clandestine, mais d'appréhender les causes pour comprendre pourquoi on quitte chez soi pour devenir étranger chez l'autre ». Me Rahal Mohamed Seghir a précisé que « cette traversée a un coût proportionnel au caractère répressif aux mesures prises par l'UE, et que désormais l'émigration est donc devenue un projet économique coûteux qui endette les candidats à l'émigration et les pousse à accepter de travailler en Europe dans des conditions inhumaines... ». L'avocat s'est, par ailleurs, interrogé : « Quelle politique préventive peut-on adopter ? ». D'autres magistrats n'ont pas manqué d'interpeller les pouvoirs publics à se pencher sur ces cas, précisant que « ce problème ne doit pas être traité dans une optique répressive, car il est scandaleux de voir des jeunes, non repris de justice, qui ont vu parfois leurs compagnons mourir noyés, qui ont subi les affres d'une traversée infernale, jetés en prison ». Rien ne permet de penser que le nombre de harraga va diminuer, puisque chaque semaine l'Espagne refoule des dizaines d'Algériens qui ont réussi à rejoindre l'autre rive pour y vivre en situation irrégulière. Ce fléau est important, puisque chaque jour de jeunes Algériens partent dans des conditions souvent tragiques pour devenir des sans-papiers. En effet, les gardes-côtes ne cessent d'avorter régulièrement des tentatives d'émigration. D'ailleurs, la dernière opération a eu lieu à Mostaganem et 35 personnes ont été secourues. Cependant, un harrag n'a pas échappé à la noyade. Au total, plus de 110 individus ont été interceptés durant cette semaine à Tlemcen et Mostaganem. Selon des sources bien informées, les harraga ne sont pas paradoxalement les plus pauvres. Ils saisissent l'énorme fossé qui sépare leur réalité quotidienne de celle à laquelle ils pensent avoir droit et dont l'Europe, prospère et jouisseuse, leur donne l'image. Ce sont des migrants d'itinéraire et non des migrants de subsistance comme en Afrique où seule l'exigence de survie pousse à l'exode. Les embarcations de la mort se multiplient et les passeurs trouvent une aubaine pour en tirer des gains. Partir sans rien réclamer, sans rien revendiquer avec, pour seule certitude, la mort ou le retour forcé. Si on se réfère aux statistiques, on trouve que des centaines de candidats à l'émigration clandestine ont été arrêtées, d'autres ont réussi à franchir une mer noire et anonyme, alors que des dizaines n'ont jamais été retrouvés. Il s'agit en fait d'une traversée infernale, dont le candidat ignore les conséquences, notamment la lutte en pleine mer mystérieuse, et à bord d'une embarcation qui risque de sombrer à tout moment devant une charge dépassant sa capacité. Au niveau des côtes de Tlemcen comme ailleurs, on ne cesse de montrer le revers de la médaille à nos jeunes, sans leur parler des dangers en pleine mer, où des dizaines de personnes ont péri. Nos côtes sont envahies par des jeunes venus des quatre coins du pays, pour se lancer à l'aventure sur un trajet de 6 heures et souvent plus. ON REGRETTE D'AVOIR PRIS UNE TELLE DECISION Un ex-harrag, qui nous racontait sa tragédie, dira : « On rêvait d'une vie luxueuse, mais croyez-moi nul n'aura l'occasion de la croquer à belles dents, tout simplement parce qu'on n'est pas chez soi ». Evoquant une embarcation archicomble en pleine mer, celle-ci a été interceptée par les gardes-côtes espagnols. « Conduits au poste de police, dira-t-il, on a été soumis à un interrogatoire. Il nous a fallu attendre trois semaines avant notre refoulement ». De son coté, Nadjib évoque cette tragédie : « Nous avons tenté de secourir une embarcation de harraga comme nous, malheureusement ils ont péri tous noyés et personne n'a pu faire quelque chose. On ne pouvait pas les approcher car notre embarcation était pleine à craquer ». Il précisera que « seuls deux ont été sauvés, car ils sont restés accrochés pendant une heure à notre barque jusqu'aux rives espagnoles ». « Tout le long de la traversée, raconte-t-il, la mort se trouvait, elle aussi, à bord. On regrette d'avoir pris une telle décision, c'est la plus folle qui soit ». L'Espagne qui a été pendant longtemps la porte de l'Europe pour l'émigration a pris des mesures draconiennes ces derniers mois et le problème n'est pas réglé pour autant. Pourtant, l'émigration clandestine coûte cher en vies humaines, si l'on se réfère uniquement au nombre des dernières victimes. Plusieurs drames ont été signalés, sans parler des disparus, ou de ceux qui ont été la proie des vagues dans une mer trop agitée. Quotidiennement, on prend le large et journellement les gardes-cotes appréhendent ces candidats à « l'eldorado ». Malgré tous les dangers, on ne cesse de prendre le cap à destination d'Almeria, pays des rêves.