La décision d'achat du consommateur se construit de plus en plus sous l'effet des avis et autres éléments de réputation produits sur les réseaux sociaux. Deux chercheurs américains, partis de ce postulat, ont mené une étude sur l'impact des commentaires et avis émis sur les réseaux sociaux sur le rendement commercial de restaurant de la ville de San Fransisco. Les deux chercheurs, économistes de l'Université de Berkeley en Californie, ont ainsi pu parvenir à la conclusion « qu'un restaurant a 19 % de chances en plus d'être complet le soir lorsque sa note passe de 3,5 à 4 étoiles sur Internet... » A travers leur étude, ils ont voulu savoir si les critiques en ligne avaient un impact sur la fréquentation des restaurants. Et il se trouve que oui, d'après leurs conclusions, rapportées par le site spécialisé TechCrunch. A San Francisco, les notes sur Yelp spécialisé dans les critiques de restaurants et autres services par les internautes peuvent apporter une renommée à un établissement... ou au contraire, le faire mettre la clé sous la porte. Michael Anderson et Jeremy Magruder ont observé les commentaires sur le site Yelp, qui permet de donner son avis sur des restaurants du monde entier. Ils ont particulièrement pris en compte les effets des notes positives sur 328 établissements de la ville de San Francisco. Ils se sont rendu compte qu'un restaurant qui gagnait une demi-étoile supplémentaire (il y en a cinq au total sur Yelp) grâce aux notes des internautes pouvait accroître sa fréquentation le soir, à l'heure de pointe. Ils expliquent également qu'un restaurant passant de 3,5 à 4 étoiles a 19 % de chances en plus d'être complet le soir. Les deux économistes se sont aperçus que les clients étaient plus nombreux alors qu'il n'y avait eu aucun changement au niveau des prix des plats ou de la qualité de la nourriture et du service. Leur conclusion : les critiques et notes des internautes ont amené ces nouveaux clients. « Cette étude montre que les réseaux sociaux et forums (...) jouent un rôle de plus en plus important dans la façon dont les consommateurs jugent la qualité des biens et services », écrivent les économistes. Un constat qui pourrait amener les restaurateurs à venir noter eux-mêmes leur établissement... En Europe, selon une étude menée en 2011, plus de la moitié des internautes consultent les réseaux sociaux avant de décider d'acheter ou pas un bien « impliquant » (électroménager, ordinateur, voyage, voiture...). C'est l'un des résultats marquants de l'étude IBM/Ipsos Mori « Smarter Commerce », version 2011 menée auprès de 4 000 personnes âgées de 16 à 64 ans ayant accès à internet et résidant en France. Les avis de consommateurs sont notamment très recherchés. Pour le quart des répondants, consulter l'opinion d'autres internautes est un facteur important pour conforter sa décision d'achat. Du reste, 35 % des « fans » d'une page de marque sur un réseau social utilisent cette page pour consulter les avis de consommateurs. Mais suivre une marque sur Facebook par exemple n'est pas forcément désintéressé. Plus de la moitié des « fans » en attendent des échantillons et des bons de réduction. Chercher de l'information sur les réseaux sociaux avant d'acheter ne présume pas du circuit de distribution choisi. Une fois leur décision prise, 40 % des internautes achètent leur produit en boutique physique. Toujours selon cette étude, la téléphonie mobile commence à rentrer dans les mœurs des consommateurs connectés. 51 % des sondés ont déjà utilisé leur Smartphone lors d'un achat et 67 % considèrent important de pouvoir consulter et de passer commande depuis leur mobile. Du côté de l'entreprise, le phénomène est pris en compte et bien intégré dans la démarche marketing. Selon une étude réalisée ces dernières semaines par le Syndicat national de la communication directe, organisme français regroupant des professionnels du marketing multicanal, un internaute sur deux serait aujourd'hui membre d'un réseau social. Cette étude met également en lumière « l'importance grandissante des réseaux sociaux dans la relation commerciale entre les marques et les consommateurs », 36 % des « socionautes » étant fans d'au moins une marque. L'étude « Social Media Attitude » réalisée auprès d'un échantillon de près de 11.000 répondants représentatifs des internautes inscrits à au moins un réseau social (Facebook, Twitter, Google+, LinkedIn, Viadeo, Pinterest ou Foursquare), tend à démontrer l'intégration croissante des réseaux sociaux dans le dialogue marque-client. 15 % des socionautes seraient ainsi devenus clients d'une marque grâce à un réseau social : si Facebook est le réseau social favori des internautes, les autres canaux sociaux ne seraient pas en reste, avec une présence renforcée des internautes sur Twitter, LinkedIn, et Google Plus par rapport à 2011. La construction de ce lien de confiance par l'entremise des réseaux sociaux bute de temps à autre sur des situations de doute et de méfiance, comme ce fut le cas tout récemment, avec l'affaire du romancier britannique RJ Ellory. L'auteur de romans policiers britannique RJ Ellory a dû reconnaître cette semaine qu'il avait commenté de manière très favorable ses propres romans sur le site internet Amazon pour inciter les lecteurs à les acheter, tout en critiquant sans indulgence d'autres auteurs. L'affaire a débuté vendredi dernier sur Twitter, quand un autre romancier britannique, Jeremy Duns, a assuré sur un forum en ligne qu'Ellory faisait partie de ceux qui se cachent derrière des pseudonymes pour vanter leurs romans, nombreux éléments de preuve à l'appui. Sous les pseudonymes de Jelly Bean ou Nicodemus Jones, Ellory, auteur ces dernières années de romans comme Vendetta, Seul le Silence, les Anges de New York, ou les Anonymes, encense en effet ses œuvres. De « Seul le Silence », auquel il attribue le maximum de cinq étoiles, il indique que « c'est le livre le plus émouvant qu'(il ait) jamais vu », et de RJ Ellory, c'est-à-dire lui-même, « l'un des plus talentueux auteurs d'aujourd'hui ». Il critique avec tout autant de verve deux autres auteurs, Mark Billingham et Stuart MacBride. Ellory ne prend pas toujours la peine de se cacher vraiment. Ainsi, il signe régulièrement « Roger », son prénom, des commentaires de Nicodemus Jones, auquel il fait donner des détails qui n'appartiennent qu'à lui, comme « J'ai gagné le prix du Nouvel Observateur l'an dernier avec "Seul le silence" (...) ». Dans un communiqué, Ellory a reconnu être bien l'auteur « des commentaires positifs et négatifs » qui lui sont imputés, et a assuré « regretter du fond du cœur l'absence de jugement » qui l'a fait agir ainsi. Il a présenté ses excuses à ses lecteurs et à la communauté littéraire. Un groupe de 49 auteurs britanniques, soutenu par la suite par de grands auteurs américains comme Michael Connelly, a condamné dans une lettre ouverte au Daily Telegraph la pratique des fausses critiques, qui semble dépasser largement le cas de RJ Ellory. L'affaire a déclenché des dizaines de réactions sur Twitter, et sur le site d'Amazon, dans lesquels RJ Ellory se fait le plus souvent étriller. Sur Twitter toutefois, à @ladyporchetta qui lui demande de continuer à écrire, il répond : « C'est ce que je vais faire, bien sûr ». Ce cas n'est cependant pas isolé, comme le confirme une récente étude Gartner cabinet spécialisé dans l'analyse et le conseil sur les nouvelles technologies qui prédit un développement des pratiques douteuse des commentaires et votes sur les réseaux sociaux. Le business du « fake » sur les réseaux sociaux, comprenez l'achat par les marques de fans factices, de faux avis et de votes bidon, n'est pas nouveau sur internet. Mais cette pratique à hauts risques en termes de réputation devrait continuer à se renforcer d'ici à 2014, et concerner 10 à 15 % de l'ensemble des publications de fans sur les médias sociaux, selon Gartner. La course au témoignage client va-t-elle accélérer l'adoption de pratiques trompeuses par les marques et les entreprises sur les réseaux sociaux ? Selon Gartner, 10 à 15 % des votes (likes) et avis partagés sur internet devraient être factices d'ici à deux ans. Une pratique répandue dans les entreprises du « Fortune 500 » (les 500 premières entreprises américaines), qui tenteraient par ce biais d'accroître le nombre de leurs fans et abonnés sur les réseaux sociaux, en bénéficiant de l'effet positif de ces recommandations. Mais celles-ci s'exposeraient à des « risques de contentieux », prévient Gartner, qui invite les spécialistes du marketing à envisager les risques à long terme de telles pratiques en termes de réputation, et de pénalité financière notamment. En espérant qu'il sera entendu...