La mémoire de toute une génération et l'histoire retiendront que Chadli Bendjedid a été un des précurseurs de l'exercice démocratique en Algérie. C'est en février 1989, alors qu'il dirigeait le pays pour un second mandat, que fut promulguée une Constitution qui mit fin au règne du parti unique depuis plus d'un quart de siècle. Ce n'était pas peu, le parti ayant monopolisé l'expression politique dans le pays. L'initiative de Chadli ouvrit la voie à d'autres voix qui se firent entendre et révélait la vitalité et la diversité de la société algérienne. Le progrès était alors réel et la société se mit à respirer, à vivre un « printemps démocratique » avec une floraison de partis, d'associations, d'éditeurs et de titres qui provoqua une rupture salutaire. Les prémices de ce souci d'être à l'écoute des Algériens étaient apparues bien avant. Dès son arrivée à la tête de l'Etat, il avait permis aux Algériens de voyager plus librement. Lors d'un débat sur la culture en 1981, à la veille de la tenue d'une session du comité central, les Algériens avaient abordé en toute liberté toutes les questions relatives à ce sujet sensible et complexe. Il avait également libéré Benbella, Nahnah et beaucoup d'opposants politiques (Mahsas, Boumaza, Harbi, Aït Ahmed...) rentreront au pays alors qu'il était Président. Le règne de Chadli ne fut pas sans doute exempt d'erreurs mais, il avait largement, bien avant l'avènement du multipartisme, desserré l'étau qui étouffait la société. La presse, notamment Algérie Actualités et Révolution Africaine, à partir 1985, et la Chaîne III connurent une réelle liberté de ton. Même pour le fameux code de la famille de 1984, que beaucoup portèrent à son passif, il s'apprêtait à en concevoir, à l'automne 1988, une nouvelle mouture plus favorable aux droits des femmes. « Seule l'inversion du calendrier des priorités avait différé le projet », témoigne Maître Miloud Brahimi. Ce dernier rappelait, hier, également sur les ondes de la radio, « la restitution, sur son intervention, des passeports de certaines personnes qui en étaient privées », et le fait qu'il « était le premier Président à avoir condamné publiquement la torture ». L'avocat a été également témoin de la volonté de Chadli de favoriser la création de la Ligue des droits de l'homme qui avait alors organisé, en 1987, un colloque remarqué et remarquable sur la censure qui s'exerçait alors. Les douze années de Chadli à la tête de l'Etat sont loin d'être simplement « une décennie noire ». D'autres aspects et actions révèlent un côté plus lumineux du personnage.