L'histoire des châteaux hantés, ou encore des maisons de maîtres habitées par les esprits furent les premiers contes littéraires de haute facture marquant l'universalité de l'imaginaire. Du conte de Dracula, ou encore celui du bossu de Notre-Dame, il y a le fantôme de l'Opéra, ou Mephisto pour rappeler le diable en quête de victimes pour son infernal royaume. Dans l'arrière-plan d'une guerre se trame toujours le récit dramatique des évènements libérant les génies du conte pour en faire le plus beau thriller. Dans notre escarcelle de la fiction existent des milliers de récits marquant les lieux et monuments dans lesquels se sont déroulés des scènes tragi-comiques ou drames. En chaque ruelle de la Casbah ou Belcourt, deux quartiers historiquement liés par le sort, subsiste une mémoire pour relater des souvenirs marquant le prestige des lieux et des hommes. Les personnages mythiques parfois conçus par une vue de l'esprit viennent occuper la scène de l'horreur et du drame. Il s'agit de la maison du pendu (Dar Maâleq Rouhou) situé à la rue du Bain-Maure, cette centenaire bâtisse, résistant aux aléas de la vie, continue à délier les langues sur son bien-fondé. Elle aura quand même traversé des siècles puisque les témoignages de son récit existent depuis l'époque ottomane. Période charnière où le charlatanisme et le conte se confondaient dans le manque d'une bonne gestion du récit. La plus prisée des histoires qui continuent de hanter les esprits c'est la passionnante Yemma Rbiha, cette bonne dame rompue à une pénible besogne, lui valent aussi l'appellation de Fatma Mozbaïl. La rue Sidi-Abdellah Ben Ali réputée a fait naître le mystérieux récit de Yemma Rbiha Ouin Kounti ou la saga de la femme errante. Cette dernière répliquait par « Kount Elaqat Fe Zaâki (Je n'ai ramassé que des restes de viandes). La rue se charge de reprendre cette magnifique complainte imaginée et en faire une véritable fresque théâtrale d'El Ghoula. Aujourd'hui, le lieu n'est que ruines. En empruntant la sinueuse ruelle de Sidi Abdellah, on se retrouve sur la rue N'fissa où existe une minuscule nécropole. A l'intérieur, le dôme indiquant la sacralité des lieux repose le vénéré Sidi M'hamed Cherif. Jouxtant le mausolée de ce dernier, il y avait à l'ombre de trois figuiers sacrés, le tombeau de Sidi Ali Zouaoui et les deux tombes marquées par une stèle de marbre où reposent les deux filles de Hassan Pacha, décédées à la fleur de l'âge. Actuellement, le cimetière dit des deux princesses n'est plus. Une chape de béton a supprimé toute indication pouvant édifier la postérité sur le lieu historique. La bêtise a fait irruption pour laisser place à la désolation qui ne se résume pas moins à un outrage au patrimoine et une offense à la mémoire collective. Le mausolée du saint homme Sidi Bougdour, à la structure trônant dans une ruelle clair-obscur, vient d'être réhabilité. Le lieu sert de medersa pour l'apprentissage du Coran. Cette intrusion dans le patrimoine renseigne, à bien des égards, sur l'état des lieux des sites et monuments.