A travers 12 chapitres, l'auteur ramasse, en effet, des bribes de mémoires étalées sur une longue période qui traite successivement de ses racines et de son enfance, de sa prise de conscience, de son ralliement à la lutte armée, de son combat à la base de l'Est et à l'état-major de l'ALN et des missions qui lui ont été confiées en tant que responsable militaire, au lendemain de l'indépendance. A ce titre, Chadli corrige une bourde de l'histoire le donnant comme faisant partie de l'armée française. En page 69 de l'ouvrage, l'auteur fait part de son enrôlement au maquis fin février, début mars de l'an 1955 suite à ses démêlés avec la justice coloniale. « Je n'ai même pas accompli le service militaire dans ses rangs, comme je n'ai jamais participé à la guerre contre le peuple vietnamien en Indochine, ainsi que cela a été colporté à mon sujet pour des motifs politiques fallacieux visant à porter atteinte à ma réputation et faire croire que j'ai rallié la révolution sur le tard », a-t-il souligné. Tout comme il mettra en lumière le coup d'Etat de juin 1965, expliquant comment le ministre de la Défense nationale d'alors, Houari Boumediene, avait minutieusement préparé la capture de Ben Bella qui lui rappelle « un chef fatimide qui ordonna que fut anéantie toute la tribu qui lui pava le chemin vers le pouvoir afin que l'histoire ne dise pas qu'il fut porté au trône par elle ». Sa fascination pour Houari Boumediene est telle qu'il lui consacre tout un chapitre à la fin de l'ouvrage. « C'était un fin négociateur et un polémiste convaincu. Sa méthode de gestion s'inscrivait dans la durée, loin de l'improvisation et de la précipitation. Après sa mort, certains ont cherché à esquiver leurs responsabilités directes dans des décisions prises de façon collégiale, imputant des résultats négatifs ou des insuccès au seul président Boumediene. Alors que celui-ci ne dirigeait pas seul », a-t-il témoigné en page 323 de l'ouvrage. C'était aussi l'occasion pour Chadli de marteler haut et fort qu'il était « indigné d'entendre » qu'il aurait « effacé les traces de l'ère Boumediene » en soulignant n'avoir « entrepris que la réforme d'un système qui était dans l'impasse et qui n'était pas imputable au seul chef de l'Etat ». Les liens d'amitié et de confiance qui prévalaient entre les deux hommes sont mis en avant par l'auteur en guise d'indices supplémentaires à ses assertions. Chadli Bendjedid souhaite, enfin, qu'on « tourne la page du passé » et que « le temps est venu pour que la révolution soit libérée de l'instrumentation politique au nom d'une légitimité que les générations actuelles regardent d'un œil méfiant ». C'est pourquoi il préconise de « céder la place aux nouvelles générations pour construire une Algérie prospère ». Il faudra attendre le second tome pour se faire une opinion sur ses douze années de règne. Rabah Douik « Mémoires, les contours d'une vie : 1929-1979 », de Chadli Bendjedid, Tome 1, 332 pages, Casbah Editions, prix public : 1 000 DA