«Une fois libéré, S. M. a été évacué à l'Hôpital d'Aoulef avant d'être transféré à l'hôpital de Bechar où la prise en charge psychologique est mieux adaptée dans ce cas précis», affirmera le représentant du Groupement de Gendarmerie. Les 37 années passées A l'aube du 21e siècle, des personnes sont séquestrées et ligotées par des membres de leur propre famille pour diverses raisons que la raison n'accepterait jamais. Ce qui vient de se produire dans la wilaya d'Adrar dépasse toute logique. A la naissance, un enfant pleure toujours. Sa venue au monde le contrarie et ce nouveau monde l'effraye. Deux personnes sont venues au monde à 15 ans de différence chez deux familles distinctes et pourtant le sort qui leur sera réservé est identique à quelques détails près. En date du 8 avril 2010, les éléments de la brigade de la gendarmerie nationale de la Zaouïa Kounta, plus précisément au Ksar Azoua distant de 115 kilomètres de la ville d'Adrar, une paisible commune constituée de quelques Ksour et d'Oasis et où vivent 17.230 âmes, ont libéré une femme de 45 ans séquestrée par son père et son frère 28 ans durant. S. Zahra, dont le seul tort est d'être handicapée physique et présentant des tares mentales (d'après les dires des parents), a passé 28 longues années loin de la chaleur familiale. La maman, seul être à aimer et protéger, n'est plus de ce monde. La jeune fille a passé 28 années dans un espace couvert de sable. Heureusement que le ventilateur accroché au madrier de bois du plafond lui procurait un peu de fraîcheur lorsqu'il fait chaud. Et Dieu sait que la région d'Adrar est la wilaya la plus chaude d'Algérie en été. D'après le recoupement des témoignages des gens, la découverte de ce cas fait suite à l'émission, de façon anonyme, d'un message en date du 24 avril 2010 d'un citoyen de Zaouïa Kounta, sur l'adresse électronique du ministère de la Justice dans lequel il faisait état d'une situation bizarre et inquiétante qui régnait au domicile de S. A., un septuagénaire, au niveau du Ksar «Azoua». Cette information, qui a éveillé le parquet d'Adrar, dénonçait le comportement inhabituel des locataires de cette maison ainsi que des cris d'animaux mélangés à ceux d'être humain et des bruits étranges qui fusaient de cette habitation. Instruits par le parquet, les éléments de la gendarmerie nationale de la brigade de Zaouïa Kounta, le 26 avril, se sont déplacés sur les lieux où ils découvrirent une femme âgée de 45 ans au milieu des chèvres et des brebis. Selon les témoignages, cette dame qui est restée sans aucun contact avec le monde extérieur alors qu'elle avait 17 ans, aurait perdu même la parole. Au moment de sa libération, seul un cri inaudible est entendu. Aucune résistance ou peur. «Avec son physique chétif et crasseux, Zahra présentait une importante tignasse touffue ainsi que de très longs ongles des doigts et des orteils», affirmera le commandant Challal du groupement de la gendarmerie nationale. Toujours selon les témoignages recueillis sur place, confortés par les premiers éléments de l'enquête, qui est toujours en cours, le motif de cette séquestration ordonnée par le père faisait suite à une agression sexuelle qu'aurait subie Zahra dans son jeune âge ; pour d'autres, il s'agissait d'une simple relation amoureuse qui aurait jeté Zahra dans les enfers d'une séquestration qui a duré 28 ans. «Au moment de sa libération, suite à des investigations lancées après information, l'on retrouve une personne complètement déphasée, qui n'a plus le sens du temps. Sa seule réaction se résume à des cris incompréhensibles. Son état d'hygiène était lamentable. Tous les intervenants n'ont pas cru ce qu'ils voyaient devant eux. Une image sortie d'un autre âge», expliquera le brigadier ayant mené l'opération de délivrance. Le cas de S. Z. n'est malheureusement pas unique dans la ville du Touat. Le 19 mai de l'année en cours, un autre cas de séquestration a été mis au jour par les services de la gendarmerie nationale. Suite à des informations fournies par des citoyens, les éléments de la brigade d'Aoulef ont libéré le dénommé S. Mohamed, né en 1944 séquestré aussi par sa famille depuis 37 ans dans la région d'Imaktene à 240 kilomètres du chef-lieu de la wilaya. Enfermé et ligoté, S. M. a vécu dans un réduit de 2,50 m sur 2 m. Deux couvertures pour lui servir de matelas et de revêtement et un récipient pour recevoir la bouffe constituent l'essentiel des fournitures. Sur place, les gendarmes découvrent un homme de 66 ans vivant dans ses excréments. L'image était insoutenable, nous dit-on. La raison invoquée par le frère de la victime, est la maladie mentale et l'agressivité de son frère à l'égard des gens et des proches. La rumeur quant à elle impute cet isolement à un différend relatif à un héritage. «Une fois libéré, S. M. a été évacué à l'hôpital d'Aoulef avant d'être transféré à l'hôpital de Bechar où la prise en charge psychologique est mieux adaptée dans ce cas précis», affirmera le représentant du groupement de gendarmerie. Les 37 années passées, ligoté et enfermé, n'ont laissé aucune chance à cet homme qui lors de sa libération ne portait que des haillons. Ces deux cas de séquestration et de marginalisation ont ému la population d'Adrar connue pour sa solidarité, son amour pour son prochain et sa disposition à l'entraide. LE PÈRE DE ZAHRA RÉFUTE LA SÉQUESTRATION Rencontré dans sa demeure située à quelques mètres du lieu de l'enfermement de sa fille, le père, un septuagénaire, réfute la séquestration de sa fille. Muni des clés de l'ancienne habitation donnant sur le sentier menant à l'intérieur des Ksour, le père de Zahra nous ouvre la maison. Une grande pièce sans revêtement au sol avec une ouverture sur une cour intérieure ne comporteant aucune trace d'une très longue séquestration. Un des parents avoue que la fille était enfermée dans un autre lieu mais devant l'amplification des rumeurs, le père a ramené sa fille tout près de son habitation. «Ma fille a toujours vécu auprès des siens jusqu'au jour où son frère a construit sa maison, il a déménagé il y a deux ans et était contraint de la laisser dans l'ancienne demeure familiale car elle est devenue agressive envers sa petite famille», expliquera le père de Zahra. Il confirmera que sa fille ne manquait de rien. «Je l'entretenais, la lavais mais elle était contrainte de rester seule». Le père qui s'est dit exaspéré par ce qui s'est dit sur S. Z. et le balancement de ses photos sur la toile, a affirmé avoir présenté sa fille à un médecin pour ses troubles psychiatriques. «J'ai même eu recours à des « talebs » pour soulager ma fille mais sans résultat. Elle était également handicapée physique», expliquera le père tout en nous montrant l'endroit où, d'après ses dires, sa fille y a séjourné seulement deux ans.