Photo : Sahel De notre envoyé spécial à Adrar Abderrahmane Semmar Le souvenir amer des pluies torrentielles qui ont ravagé la daïra d'Aoulef est toujours perceptible sur les visages hagards des sinistrés de cette localité. Deux semaines après les intempéries survenues dans cette région désertique du Grand Sud, la commune d'Aoulef demeure fortement exposée aux carences et aux défaillances du dispositif d'urgence mis en place par la wilaya d'Adrar pour venir au secours de la population désemparée. Sinistrés, les citoyens d'Aoulef le sont encore davantage ces derniers jours car l'aide alimentaire acheminée par les pouvoirs publics s'est avérée insuffisante pour répondre à leurs besoins. Selon des élus locaux que nous avons pu interroger, toutes les assurances affichées par les différentes autorités quant à la prise en charge des sinistrés de la daïra d'Aoulef et des communes Akebli, Timegten, Aoulef et Tit ne sont que de la poudre aux yeux. En vérité, le Croissant-Rouge algérien a distribué, à deux reprises, diverses quantités de produits alimentaires. Aussi, 532 tentes ont été installées dans la commune d'Aoulef et à travers l'ensemble des quartiers les plus touchés. Or, nous l'avons constaté de visu, ces aides n'ont guère permis à la population de soulager sa souffrance. Chaque famille a reçu seulement 2 kg de riz, 2 paquets de pâtes, une boîte de lait en poudre, une bouteille d'huile et 2 kg de concentré de tomate. Mais, depuis six jours, aucune aide officielle n'a été dépêchée sur place. Contrairement à ce que les autorités locales ont voulu faire croire à l'opinion publique à travers la presse nationale, les sinistrés d'Aoulef manquent cruellement de vivres. Depuis le 25 janvier, les 595 familles sinistrées de la commune d'Aoulef n'ont reçu qu'à deux reprises ces produits alimentaires via leurs comités de quartier, chargés par le Croissant-Rouge algérien de distribuer cette aide à la population. Le reste des vivres a été acheminé par des bienfaiteurs et des associations caritatives qui ont tendu une main chaleureuse à leurs concitoyens en proie à la détresse. Dans ce contexte, les membres de tous les comités de quartier lancent un appel aux responsables locaux afin qu'ils soulagent le calvaire et le désespoir des habitants d'Aoulef. Toutefois, c'est le risque de prolifération d'épidémies qui alimente surtout les inquiétudes. Il faut savoir à ce sujet qu'une seule visite médicale a été effectuée depuis la survenue de cette catastrophe. Les médecins chargés de prendre en charge les malades se sont contentés de établir des ordonnances à tort et à travers, suggérant aux sinistrés, sans toit et sans ressources, d'emmener leurs malades à l'hôpital d'Adrar ! A l'heure où nous mettons sous presse, nous n'avons aperçu aucune présence officielle du Croissant-Rouge algérien, qui dispose pourtant d'une antenne à Adrar. De l'avis unanime des sinistrés, dont les témoignages sont aussi poignants les uns que les autres, les aides acheminées par le département de M. Ould Abbès ne sont pas suffisantes au vu de l'ampleur des dégâts et du nombre de personnes touchées par le sinistre. D'autre part, les quantités de denrées alimentaires, estimées par les autorités à 30 tonnes, ne semblent pas couvrir les besoins de l'ensemble de la population sinistrée. Dans ce sens, le chef de daïra d'Aoulef, Bouabdellah Douda, nous a fait savoir qu'une autre cargaison d'aide humanitaire vient d'être acheminée sur place par l'autorité de wilaya. Celle-ci sera distribuée, selon ses affirmations, d'ici la fin de cette semaine ou, au plus tard, au début de la semaine prochaine. D'autre part, selon notre interlocuteur, c'est la bonne rationalisation des produits de première nécessité qui cause problème. «Nous avons attribué des tentes qui sont inoccupées actuellement. Les citoyens croient que celui qui est sous la tente sera relogé sans faute par l'Etat. Ca ne sera naturellement pas le cas. Nous allons trier les sinistrés, car de nombreuses personnes se sont autoproclamées sinistrées pour profiter des aides et d'un logement», argue-t-il. Dans un autre chapitre, pour le président d'APC d'Aoulef, Abil Hamou, l'absence d'avaloirs et l'inexistence d'un réseau de récupération des eaux pluviales sont pour beaucoup dans l'ampleur dramatique des dernières intempéries. Cette commune enclavée, avec un budget insignifiant de 80 millions de dinars par an, n'avait en aucun cas les moyens appropriés pour lancer des travaux afin de se doter de ces conduites. Mais la daïra, quant à elle, était consciente de ce problème et elle était bel et bien au fait des bulletins météo spéciaux (BMS) émis par l'Office national de la météorologie la prévenant des fortes précipitations qui allaient s'abattre sur la région. D'autant qu'au mois d'octobre dernier, une catastrophe a été évitée de peu dans plusieurs communes de la wilaya d'Adrar. Alors pourquoi ne pas avoir agi en conséquence ? Décidément, les intempéries ont révélé les tares de nos administrations…