Les centres d'écoute du réseau national des femmes victimes de violence répartis à travers le pays sont aux abonnés absents, alors que leur mission première est de répondre à la personne qui est au bout du fil. Nos multiples tentatives de les joindre pour savoir si les femmes violentées s'exprimaient via les supports qui leur sont dédiés ont été vaines. Le seul centre qui a répondu à notre appel téléphonique est celui d'Alger. C'est le centre d'écoute Kahina, sis à Mohammadia, où les appels des femmes violentées sont nombreux. Malika, la sociologue, qui est au bout du fil, essaye tant bien que mal d'écouter d'abord. « Car l'écoute, dira-t-elle, est la première étape pour prendre en charge le problème de la violence posé par les concernées. Durant une journée, nous recevons environ quatre à six appels. Mais certains jours nous recevons un ou deux appels seulement. Tout dépend de la fréquence de la publicité faite sur les numéros 021 82 53 54 et 021 82 00 75 mis à leur disposition via la radio ou la télévision ». Malika, qui travaille au sein de l'association Rachda, reçoit des appels de femmes pour diverses formes de violence. Même les grands-mères n'y échappent pas. A leur âge, elles subissent encore la violence physique, morale ou verbale de la part de l'époux et même de leurs enfants. Elle raconte qu'une dame âgée de plus de 60 ans a appelé pour se plaindre de son mari après 45 ans de mariage. « Son époux, pour X problèmes, déverse sur elle toute la haine, verbalement ou physiquement à l'aide d'une savate ou d'un manche à balai », a-t-elle confié. « Cette dame ne veut pas divorcer à son âge. Mais à chaque fois qu'elle appelle, c'est pour alléger sa peine. En fait, elle ne veut pas mettre dans le secret ses enfants mariés avec enfants et sa propre famille », précise Malika, ajoutant qu'elle a « juste une oreille attentive et surtout anonyme pour atténuer sa douleur car elle n'arrive plus à supporter les exactions de son époux devenu trop acariâtre ». Dans ce centre, chaque appel est différent de l'autre même si le problème posé reste la violence sous toutes ses formes. En 2011, 199 appels ont été recensés émanant de femmes ayant subi des violences physiques psychologiques ou morales. En 2012, il a été dénombré pas moins de 109 appels demandant de l'aide psychologique ou juridique. Ce sont des avocats, en général, qui prennent ces affaires gratuitement pour aider les femmes qui souffrent d'un conjoint, d'un frère, d'un père ou de tout autre membre de la famille. Mais Malika affirmera que « certains hommes ont appelé ce numéro, après avoir fait leur mea-culpa, pour récupérer dans ce même centre leur épouse qui a été hébergée suite aux violences conjugales ».