Ali Mahsas, de son vrai prénom Ahmed, fait partie de cette génération qui s'est engagée au début des années 40 dans le plus radical des mouvements nationalistes. Originaire d'Ouled Moussa, près de Boudouaou où sa famille, venue de Sidi Aïssa, s'était installée après les séquestres de 1871, celui, qui obtient son certificat d‘études en 1937, intègre le PPA. Il n'avait pas vingt ans. C'est son adhésion à une pépinière de militants dénommée CJB qui le propulsera. Dans ce comité de jeunes de Belcourt se côtoyaient Belouizdad, M'hamed Yousfi, Mohamed Arab, Aïssat Idir. Militant actif du PPA, Mahsas sera, à la fin des années 40, membre de l'OS dans l'Est algérien. Le démantèlement de l'Organisation paramilitaire et l'insubordination militaire le conduira en prison. Il y séjournera deux ans avant de s'enfuir avec le regretté Ahmed Ben Bella en 1952 du pénitencier de Blida. Ayant rejoint Paris, il est rédacteur dans « L'Algérie libre », organe du PPA, et se retrouve mêlé, aux côtés de Boudiaf, aux activités de la Fédération de France. L'homme n'occupera pas pourtant un rôle important dans les structures de la révolution à cause de ses démêlés avec le CCE, issu du congrès de la Soummam. On ne le retrouve ni au CNRA ni au GPRA. Chargé par la délégation extérieure de l'acheminement des armes sur les frontières Est, il s'était opposé aux décisions du congrès de la Soummam. Il ne reniera jamais son opposition contre ces assises de la Révolution algérienne qui, pour lui, étaient « inspirées par la France qui voulait introduire les centralistes dans les rouages de la révolution et négocier en force ». Il cultivera une rancœur tenace contre Abane Ramdane et Amar Ouamrane. Il n'hésitera pas à qualifier le premier, dans sa dernière interview parue dans le quotidien arabophone El Khabar, de « plus grave danger pour la Révolution ». Ses contempteurs lui reprocheront, après sa venue en Tunisie en 1956, « un travail fractionnel » auquel Ouamrane avait brutalement mis fin. Ben M'hidi et Bentobal le considèrent, dans des correspondances, comme l'homme-lige de Ben Bella (cf Le FLN documents et histoire de Mohamed Harbi et Gilbert Meynier P 341 et 342). Mahsas, déjouant un guet-apens au début 1957, se réfugiera, jusqu'en 1962, en Allemagne où le comité fédéral de la Fédération de France ne fera pas appel à ses services, écrit Mohamed Harbi dans le premier tome de ses mémoires. Ce dernier révèle qu'il existait même une interdiction de lui « adresser la parole ». Mahsas a toujours, dans ses interventions publiques, défendu la thèse de ceux qui, pour différentes raisons, considèrent le congrès de la Soummam comme « un échec et une grave déviation ». Il a affirmé qu'il était menacé par le « groupe de Abane » et avait échappé à la mort. Après l'indépendance, l'homme dirigera des organismes agricoles comme la Caisse d'accession à la propriété et à l'exploitation rurale, l'Office national de la réforme agraire avant d'être nommé, en septembre 1963, ministre de l'Agriculture. Reconduit en décembre 64, il s'adjoint la réforme agraire. Il avait succédé à Amar Ouzegane. A ce titre, il sera mêlé à l'expérience de l'autogestion instaurée par les décrets de mars 1963 à laquelle il consacrera un livre en 1975. Même s'il rejoint le Conseil de la révolution qui mit fin, le 19 juin, au règne du président Ben Bella, il quitte le pays en 1966 et sera remplacé, dès le mois de juillet, par Ali Yahia Abdenour. Exilé en France jusqu'à son retour en 1981, il sera très proche des thèses de la gauche arabe. Poursuivant des études à la Sorbonne, il préparera une thèse de sociologie et publie, en 1979 chez l'Harmattan, « Le mouvement révolutionnaire en Algérie » réédité en Algérie en langue arabe. Plutôt qu'une autobiographie, il tente d'expliquer, dans cet ouvrage, les racines et les formes de la révolte en Algérie. Il lancera un parti, l'UFD (Union des forces démocratiques) après l'instauration du pluralisme en 1989. Vivant ses dernières années de sa vie une situation sociale difficile, il sera choisi par le président de la République pour figurer dans le tiers présidentiel du Conseil de la nation. Il est demeuré fidèle aux idéaux de jeunesse, ne cessant de pourfendre le caractère inique du colonialisme.