Le spectacle de théâtre « Iltifef » de la société tunisienne « Clandestino » a été présentée samedi dernier à la salle El Mouggar à Alger, au 2e jour du Festival national du théâtre professionnel, évoquant le risque imminent du détournement d'une révolution en mal d'asseoir le changement. Ecrit et mis en scène par Walid Daghesni, le spectacle qui s'inscrit dans le registre du théâtre de la cruauté et de l'urgence, est un cri de détresse et un appel insistant à la vigilance et la mobilisation contre la volonté de confisquer les acquis de la révolution des jasmins. Dans une mise en situation directe, le public est ramené au contexte de l'insurrection, où deux individus (métaphore du peuple tunisien) cherchent dans la précipitation une issue inespérée pour éviter de périr dans la mutinerie. Différentes visions de la société s'affrontent alors, renseignant sur la nouvelle réalité tunisienne, marquée par une recherche effrénée de soi, au milieu de profondes mutations sociales. Le spectacle est « une exhortation à l'endroit des Tunisiens pour embarquer le train de l'Histoire en préservant les acquis de la révolution de janvier 2011 », a expliqué Walid Daghesni, insistant sur « la nécessité pour les acteurs de la culture, ceux du théâtre notamment, de prendre part activement au débat d'idées ». Interprétés par Sanhouri Makram et Mounir Ammari, aidés dans une figuration intelligente par Walid Daghesni, les différents courants qui s'affrontent pour définir un modèle de gouvernance dans la Tunisie d'aujourd'hui, sont passés en revue dans le persiflage et la dérision. Le spectacle s'étend ensuite à l'ensemble des révolutions arabes pour souligner leurs échecs devant la manipulation persistante des forces étrangères qui cherchent à mettre au pas les démocraties naissantes. Usant des techniques clownesques de la commedia dell'arte, les comédiens se sont investis dans un rythme élevé et continu portant la profondeur d'un texte aux traits esthétiques tragi-comiques. La scénographie constituée d'une petite estrade servant de tribune aux différents discours, d'une fine couverture au sol, ornée de grosses spirales en noir et blanc et de quelques accessoires, a apporté les ingrédients nécessaires au renforcement de la sémantique du message. Les lumières vives, latérales et frontales et les effets spéciaux créés par les bruitages ont créé des atmosphères de tension, adéquates au contenu de la trame, appuyée par la rapidité du tempo d'une musique carnavalesque. « Le spectacle pose le problème de l'urgence à s'unir autour d'un modèle de vie qui garantisse un avenir prospère à la Tunisie permettant aux valeurs républicaines telles la liberté, la justice sociale et la tolérance de régner en maître », a expliqué Walid Daghesni à l'APS. « Iltifef » est le premier spectacle étranger sur les six, regroupant, outre la Tunisie, la Syrie, le Mali, la France, l'Egypte et les USA, programmés au 8e Festival national du théâtre professionnel, qui se tient à Alger et se poursuit jusqu'au 2 juin prochain