« La rhétorique et les actes antimusulmans ont clairement augmenté, particulièrement en Europe et en Asie. Les restrictions gouvernementales, qui correspondent souvent à une animosité de la société, ont eu pour conséquences des actes antimusulmans affectant la vie quotidienne de bon nombre de croyants », déplore le rapport pointant un doigt accusateur sur les multiples restrictions qui s'appliquent au port de vêtements religieux, notamment le voile pour les femmes dans les écoles, la Fonction publique et les espaces publiques. En Europe, frappée de plein fouet par la crise identitaire et la montée de la xénophobie, mais également dans les confins de l'Inde bannissant le port du voile pour des écolières d'Etats où les hindous sont majoritaires. « La rhétorique et les actes antimusulmans ont clairement augmenté, particulièrement en Europe et en Asie. Les restrictions gouvernementales, qui correspondent souvent à une animosité de la société, ont eu pour conséquences des actes antimusulmans affectant la vie quotidienne de bon nombre de croyants », juge le département d'Etat. Flash back : l'alerte aux mosquées visées par des actes de provocation. Sur les 50 actes islamophobes, recensés en 2012 par le CFCM (Conseil français du culte musulman), 40 d'entre eux ont été perpétrés contre des mosquées. Le phénomène pernicieux sévit durement. La grande mosquée de Limoges, maculée de sang dans la nuit du 18 au 19 mai 2012, a été victime, pour la 4e fois en une année, de dégradations à caractère raciste. Et, rappelle-t-on, depuis le début de 2013, plus d'une douzaine de mosquées ont été profanées : l'invasion du chantier de la mosquée emblématique de Poitiers par le mouvement extrémiste, les Identitaires, celle de Barp, en Gironde, attaquée pour la 5e fois depuis juillet 2012, et de l'Ile de France. Le constat, « bien en deçà de la réalité islamophobe », est accablant pour le CCIF (collectif contre l'islamophobie en France) selon lequel « chaque jour, un individu est victime d'islamophobie ». La vague raciste est en progression de 38% (414 actes commis en 2012 contre 298 en 2011). Elle se caractérise par des actes de violence et de discrimination dans toutes ses formes : la vandalisation des représentations islamiques, l'opposition à la construction de nouvelles mosquées et la marginalisation dans le monde du travail public et privé. La stigmatisation et la banalisation de l'islamophobie sociale, politique et culturelle (cas de l'éducation) ont contribué à la « forte augmentation de l'intolérance », relevée par la CNCDH (Commission française consultative des droits de l'homme) sur la base de 3 études commandées au CSA (conseil supérieur de l'audiovisuel), TNS Sofres et Cevipof (organisme de sondage d'opinion) qui ont conclu au changement de perception de la société française mobilisée dans l'affaire de la burqa et le bras de fer portant sur la prière dans la rue. La dérive islamophobe a inévitablement rejailli, selon la directrice de recherche en sciences politiques au CNRS, Nonna Mayer, « sur d'autres questions qui, jusqu'ici, ne posaient pas problème à la population française dont le jeûne du Ramadhan, la non-consommation du porc, le sacrifice du mouton lors de la fête de l'Aïd ». Elle n'est plus le monopole des formations extrémistes à la recherche des parfaits « boucs émissaires » à la crise. La concurrence, comme le montre la lepénisation du débat identitaire en France, est férocement imposée par l'islamophobie de droite et de gauche que distingue pertinemment le porte-parole du CCIF, Marwan Mohamed. L'« islamophobie de droite », bâtie autour de la préservation de l'identité et de l'intégration (le thème de la préférence nationale et de l'immigration choisie) est à peine une version édulcorée de l'« islamophobie de gauche » instrumentalisant les valeurs universelles de la liberté des femmes, la liberté d'expression et la laïcité. Il s'agit, selon le collectif, de rendre le « racisme acceptable ». Pour le collectif, la formule raciste « sale arabe, rentre chez toi » est vite remplacée par la nécessité de « réaffirmer la laïcité avec force ». Et, même si la France est particulièrement concernée, l'Europe est tout autant submergée par la vague islamophobe qui a cette particularité de développer des préjugés anti-musulmans « plus visibles » que ceux touchant « les autres minorités ethniques et religieuses », souligne le rapport 2011/2012 publié par le réseau européen contre le racisme (ENAR), le 20 mars, sur la base d'une enquête comportant 26 rapports alternatifs nationaux dont celui de la France. Explication : « L'Europe est sur le déclin, explique le politologue et sociologue de l'Institut d'études politiques d'Aix-en-Provence et directeur de l'observatoire du Religieux, Raphaël Liogier, elle n'est plus le centre du monde. On ne peut pas en vouloir à la Chine, l'Inde, le Brésil ou au capitalisme mondialisé, alors, il faut personnaliser la cause. Et les musulmans sont là pour personnaliser la cause ». Le célèbre journaliste, Alain Gresh de « Le Monde », estime que « avant les années 90, on n'y parlait que de racisme. Mais ces sociétés connaissent aujourd'hui une crise économique et identitaire, où la visibilité de l'Islam s'accroît alors que les fondements de la civilisation occidentale s'appauvrissent : ce sont les éléments constitutifs de l'islamophobie ». De la Suisse, décidant de la constitutionnalisation de l'interdiction de la construction des minarets, à la Belgique, adoptant une législation contre le burqa, la flambée de l'islamophobie a dérivé sur l'Asie du Sud-Est qui couve le brasier incandescent des violences bouddhistes commises contre les musulmans de Thaïlande, de Sri Lanka et en Indonésie.... Mais c'est en Birmanie que le la lame de fond islamophobe menace de génocide la minorité musulmane des Rohingyas (4% de la population totale) vivant dans l'Etat de Rakhine. Qualifié de Palestine de l'Asie par l'Onu, elle reste la minorité religieuse la plus persécutée au monde qui tente de trouver refuge au Pakistan voisin contraint de fermer ses frontières à la population migrante (entre 50.000 et 90.000, selon Amnesty International). Dans une Birmanie libérée du joug de la junte, dissoute en mars 2011, le sort des Rohingyas n'a pas évolué d'un iota : des apatrides privés de leur liberté et de leurs droits (terres confisquées, travail forcé, extorsion, pas de droit de séjour... La mondialisation de l'islamophobie, clairement exprimée par la campagne mondiale des caricatures blasphématoires du Prophète (QSSSL) (2005) et du film « l'Innocence des musulmans » (2012), traduit la réalité des croisades du monde contemporain de la perversion et de la manipulation des valeurs républicaines (laïcité) et de la démocratie. A titre d'exemple, le silence coupable de l'icône des droits de l'homme et détentrice du prix Nobel de la paix, la célèbre Ye Aung Myint qui s'est pourtant défendu de tout « préjugé basé sur la religion ». Le temps des croisades, inspiré du « choc des civilisations » de Samuel Huntington, est la marque de fabrique de l'Empire en gestation qui se légitime par la lutte contre « le terrorisme international » et les bienfaits du « printemps arabe » pour jeter les bases d'une domination planétaire, sur les cendres du Moyen-Orient démembré et livré à la guerre confessionnelle chaotique. Ainsi, le boom islamophobe aux Etats-Unis, après les attentats du 11 septembre : une étude a récemment démontré que les 24% des Américains qui se déclaraient, avant le 11/09/2001, anti-musulmans le sont, en 2006 dans une proportion de 46%. Le phénomène est popularisé par l'incroyable pasteur Terry Jones, l'auteur de l'« International burn a Coran Day », créé en 2010 et qui consiste à brûler le Coran chaque 11 septembre. Dans certains magasins, l'on refuse de servir les clientes qui portent le voile islamique. Cette forme d'intolérance, incompatible avec la culture démocratique et des droits de l'homme tant vantés, a fait des victimes expiatoires. Le « choc des civilisations » a mué en choc sunnite-chiite de la fitna programmée par le GMO impérial. Alain Gresh est catégorique. Par delà l'absence totale d'une « critique globale des religions » et la « focalisation bel et bien sur l'Islam », il reste que « c'est le climat islamophobe plus fort en Europe qu'aux Etats-Unis qui permet les nouvelles initiatives coloniales grâce à un habillage qui a le soutien de la population ».