Paru aux éditions Chihab, « Mauvais sang », le nouveau roman de l'universitaire et critique littéraire, Rachid Mokhtari, mêle la petite et la grande Histoire. Le romancier, lui-même ancien responsable dans un quotidien national, aujourd'hui disparu, s'est servi d'une histoire personnelle, somme toute banale, d'un journaliste, pour dire, dans une œuvre de qualité, le drame de tout un pays. Le romancier entraîne, dès les premières phrases, le lecteur dans un univers où se mêlent horreurs, frustrations et quête de vérité. Face à une actualité difficile, meublée d'informations terrifiantes, le journaliste tente du mieux qu'il peut de se réfugier dans son passé, son enfance villageoise par le biais de voyage mnémonique et de réminiscences. Mais à force de solliciter et triturer sa mémoire, il finira par réveiller la vieille blessure, celle d'une enfance ratée. Le journaliste, orphelin de père, tombé au champ d'honneur, dévide dans son cœur le souvenir d'une enfance lointaine, le veuvage de sa mère et l'indigence dans laquelle il a grandi à Imaqar. Les personnages ont les mêmes préoccupations, la même angoisse et le même rêve : survivre. La serveuse du bar Tropique qui égaye de vieux briscards à l'heure de la cuvée, le journaliste qui noie son chagrin dans l'alcool, en solitaire, après le bouclage, les populations prisonnières des Minotaures. Les faux dévots inquiètent tout le monde. Certains passages du livre font penser à une œuvre autobiographique, surtout, parfois, des faits relatés sont directement inspirés d'articles déjà parus. L'auteur le souligne au début du livre. « On creusait jour et nuit, à la hâte, des trous, rien que des trous, tant et si bien que les aires des cimetières débordaient sur le terrain vague des cités-dortoirs ou venaient lécher le bitumes des autoroutes. Il en mourait de tous âges, égorgés, dépecés, éventrés, brûlés, émasculés, pendus. Tu étais toi-même devenu un croque-mort dans le rewriting des infos macabres », écrit-il, pour rappeler les tragiques évènements qui ont secoué notre pays durant les années quatre-vingt-dix. L'auteur a habitué ses lecteurs, depuis la publication de son premier roman, à une remarquable production littéraire. Ancien professeur de langue française, inspecteur à la retraite, le romancier a entrepris une sorte d'exploration romanesque pour offrir, en guise d'étrennes, une œuvre littéraire indéniable aux amoureux de belles lettres. Après avoir réussi une trilogie qui traite des origines, le romancier récidive, cette fois-ci, et dans la même veine littéraire, avec « Mauvais sang », quatrième roman qui évoque une partie de notre histoire contemporaine, à savoir la décennie noire. Si le style journalistique est omniprésent, il n'en demeure pas moins que, sur le plan esthétique, ce roman est d'une remarquable qualité littéraire. Certaines pages sont de véritables envolées lyriques et poétiques, même si, parfois, la phrase est réduite à ses constituants les plus élémentaires. Universitaire, journaliste et romancier, Rachid Mokhtari a, en plus des romans, publié plusieurs œuvres consacrées à la littérature et à la musique algérienne. « Mauvais sang » et son quatrième roman, après une trilogie des origines, commencée avec Elégie du froid. Dj. O. « Mauvais sang », Rachid Mokhtari, Chihab éditions. Prix public : 550 dinars.