Derrière cette manifestation, il y a une dame qui n'a ménagé aucun effort pour la réussite de cette course de « régularité ». Il s'agit de Mme Dalila Bouktite qui a troqué sa robe d'avocate contre la combinaison des sports mécaniques. Pour les non avisés, ce rallye ne signifie point : bolide, vitesse et arriver le premier pour monter sur la première marche du podium. D'abord, les concurrentes, au nombre de 22 « roses » (pilote et co-pilote) doivent exclusivement respecter le code de la route. Le but n'est autre que la lutte contre les accidents de la route et respecter scrupuleusement le temps d'arrivée imposé par la FASM. Une demi-seconde avant et après l'arrivée, n'est pas tolérée, selon Farid Sandjakedine, 1er vice président de la FASM. Pour cela, un poste de contrôle secret est mis en place sur l'itinéraire pour surveiller les pilotes qui trichent sur le parcours, le non-respect du code et le timing. Concernant ce dernier point, entre les premières et deuxièmes lauréates, il n'y avait que quelques secondes de pénalité entres elles. Après le contrôle technique effectué sur toutes les voitures qui prennent part au rallye et la distribution des numéros collés sur les vitres, le top départ a été donné à Brise de mer. C'est une longue promenade baptisée Léonardo Fibonacci. Les concurrentes ont sillonné plus de 300 km à l'aide du chronomètre et du roadbook. Ce dernier est un « guide », document de base indispensable. Il indique tout le trajet qu'il faut parcourir avec toute la signalisation routière pour ne pas s'égarer, en plus du respect stricte du code de la route et du timing indiqué par la FASM. Les pilotes et co-pilotes ont parcouru plusieurs communes et daïras. L'on cite, entre autres Toudja, Oued ghir, El-Kseur, Fenaia, Timebdar, Ouzellaguen, M'Cisna, Sidi Aich, Timezrit, Semaoun, Amizour, Tala Hamza, Ifri Ouzellaguen, Tazmalt, Chemini, Akbou.... Le Congrès de la Soummam revisité La pause a eu lieu à Ifri Ouzellaguen, au musée du Congrès de la Soummam 20-Août 1956. C'est un lieu chargé d'histoire perché sur les montagnes d'Ifri où les congressistes avaient arpenté durant la Révolution, avec les moyens du bord, plus de huit kilomètres de pistes constituées de virages à donner le tournis. Dans ce lieu, où la plate-forme politique adoptée par le FLN pour assurer la continuité des combats malgré les difficultés et les atrocités de l'ennemi, des manuscrits et des rapports dactylographiés authentiques sont mis à la disposition des citoyens. Des portraits de moudjahidine sont alignés avec des biographies et leurs actes de bravoure sont consignés. Parfois, se sont les portraits qui sont accrochés de toute une famille composée du père, du grand-père, des fils et des cousins qui ont péri en une journée sous les balles de l'ennemi. Des habits comme la « kachabia » de l'époque troués par les balles, des tenues de combats, des bottes sont exposés et bien entretenues. A côté, dans une salle attenante, des restes de char, de moteur et d'aile d'avion B 26 ; T 6 abattus en juillet 1957, en août de la même année et en août 1958 sont restés intacts malgré plusieurs décennies comme pour témoigner aux générations montantes de l'exploit réalisé juste avec la détermination des combattants. Certaines concurrentes qui sont venues pour la première fois en ces lieux ont découvert la grandeur et la foi des moudjahidine. Dans ce musée, l'on se remémore les hauts faits d'armes de nos aînés qui ont combattu, avec leur dévouement pour la patrie, la puissance coloniale, non sans émotion. Le rallye de régularité c'est également le côté histoire qu'il faut faire découvrir. D'ailleurs, plusieurs concurrentes natives de Bejaïa ne connaissaient pas ce musée. Cela a été une découverte pour elles grâce au rallye. C'est également la mise en valeur du point de vue touristique. En effet, beaucoup ont découvert le charme des sites touristiques de la vallée de la Soummam, les plages, le port, la verdure, les constructions qui datent de l'ère des Hammadite.... Après cette halte, les « amazones » ont fait un tour d'honneur dans les localités avoisinantes sous le charme des passants et passantes qui ont découvert pour la première fois ces « bolides » venus d'ailleurs sous les applaudissements, les youyou et l'œil amusé des enfants. La promotion du sport féminin et mécanique en point de mire Pour cette première sortie sur le terrain, c'est une réussite. Mme Bouktite a réussi son pari d'organiser un rallye au féminin, aidée et épaulée en cela par son staff, la FASM et les autorités locales et wilayales. Bejaïa a vécu le 31 mai dernier, une journée mémorable. Le temps était clémente. Le médecin fédéral, Dr Mekhlouf Bessa, n'a rien signalé comme bobo chez les concurrentes. En fait, « il a chômé », ont souligné les mauvaises langues. Pour couronner cette journée, un tour d'honneur dans la ville de Bejaïa a été fait avec une collection d'anciennes voitures appartenant à des privés. L'on cite la Simca datant de 1969, la DS de 1970, les 403 et 404 de 1958, 1961 et 1967. En bon état et bien entretenues malgré leur âge avancé, beaucoup de Bejaouis ont pris des photos avec leurs mobiles pour immortaliser ce moment unique et formidable. Dans une ambiance conviviale à l'hôtel des Hammadite dans la commune de Tichy, tout le monde a été remercié chaleureusement avec remise de diplôme, de cadeaux et d'attestation de participation. Mme Bouktite, surnommée pour la circonstance « la dame de fer » a été vivement gratifiée pour son travail acharné aux dépens de sa santé et sa petite famille. Le rallye, c'est aussi le côté humanitaire qui est mis en exergue. En effet, profitant de cette manifestation, Mme Attoumi, présidente de l'association des donneurs de sang de Bejaïa, a profité de cette occasion pour coller des affiches sur le capot des voitures pour la sensibilisation sur le don de sang. Le rallye, c'est également le rapprochement entre les citoyens. Beaucoup d'amitiés ont été liées entre les équipages venus des différentes wilayas à l'instar de Batna, Alger, Khenchela, Illizi.... La sensibilisation sur le respect du code de la route et la lutte contre les accidents de voitures sont les autres objectifs assignés à cette rencontre. Et qui mieux que les femmes pour faire ce travail de fond. Fatma-Zohra Benali est peut-être la doyenne des rallyes. A 39 ans, elle a découvert toute la région de l'Est au gré des courses de régularité tout en notant les spécificités de chaque wilaya traversée. Ses enfants ont chopé le « virus » des sports mécaniques. D'ailleurs sa cadette, Hind, l'accompagne à chaque manifestation. Nora Khalef, co-pilote, maman de 6 enfants, a remporté avec Fatma-Zohra Benali la deuxième place. C'est son époux Djamel, qui lui a transmis ce hobby. Depuis, le couple découvre les bienfaits des sorties à deux et la conduite sur les routes tout en faisant de l'humanitaire et la sensibilisation sur les fléaux sociaux. En fait, Bejaïa a accueilli les roses de la Soummam et c'est un bouquet aux mille senteurs qu'elle a pris dans ses bras.