Popularisée par les réseaux sociaux, elle est incarnée par le jeune chorégraphe, Erdem Gundunz, qui entend contourner l'interdiction de manifester en perpétuant le symbole de Taksim, sous haute surveillance. Il est aidé par ses amis qui empêchent les centaines de personnes présentes de s'approcher de lui et le ravitaillent en eau. « Nous voulons le protéger de toute provocation. Il faut qu'il soit seul au milieu de la place, sinon la police prétextera un rassemblement pour disperser tout le monde », souligne Asma, une jeune femme turque qui tente de repousser la foule sur le bas côté. Le défi silencieux de la « Turquie debout », adopté par le chorégraphe qui est resté immobilisé pendant de longues heures sans mot dire, est lancé. L'objectif, dédié à la mémoire des 4 victimes de la violente répression de la manifestation pacifique, est de rester debout un mois en alternant 24 heures d'immobilité pour 3 heures de repos, avant d'être remplacé par une autre personne. Du crépuscule jusqu'à une heure avancée de la nuit du lundi, la famille des « Duran Adam (homme debout) » se constitue en icônes de la nouvelle vague contestatrice indifférente aux appels pour quitter la place emblématique. Si le chorégraphe a juste eu le temps de partir, ses émules ont fait le reste : une poignée de jeunes à ses côtés fixant Atatürk. Malgré les interpellations effectuées par la police, le mouvement contestataire veut durer. Au petit matin du mardi, une jeune femme a pris position, debout en lisant un livre les yeux bandés par un foulard. Dans le monde, en signe de solidarité, des initiatives, relayées par des tweets appelant à rester debout immobile, ont vu le jour. « Restons debout tous les jours à 20 heures, pendant 5 minutes, où que nous soyons », a twitté à l'adresse de la diaspora un citoyen turc. Face à la « Turquie de l'homme debout », l'autre Turquie d'Erdogan, qui s'octroie le label de la « vraie image de la Turquie », menace de recourir à l'armée et mobilise, outre ses troupes rassemblées dans des meetings hebdomadaires géants, prévus dès ce vendredi, à Istanbul, Ankara et 3 autres villes importantes, les forces de police pour déjouer le complot organisé par les « traîtres et leurs complices à l'étranger » soutenus par des médias internationaux coupables de « désinformation ». Le chef du gouvernement turc affirme solennellement que « ce scénario a été jeté dans la poubelle avant d'être mis en œuvre ». La traque des « pillards » et des « anarchistes » peut commencer. Au lendemain de l'échec de l'appel à la grève générale des deux puissants syndicats (Confédération syndicale des ouvriers révolutionnaires et Confédération syndicale des salariés du secteur public), un vaste coup de filet a été opéré dans les milieux d'extrême gauche, où près de 90 membres du Parti socialiste des opprimés (ESP), dont le vice-président, Alp Altinörs, ont été arrêtés à leurs domiciles, selon le barreau d'Istanbul. Les locaux d'un quotidien, Atilim, et d'une agence de presse, Etkin, proches de ce parti, ont été investis, rapportent les chaînes d'information NTV et CNN-Türk. NTV mentionne également l'interpellation de 30 personnes à Ankara, de 13 autres à Eskisehir (nord-ouest) et le lancement d'opérations dans 18 autres provinces. La police turque a déjà arrêté près de 600 personnes dimanche à Istanbul et Ankara, selon les Barreaux de ces deux villes. Dans ce bras de fer, suscitant la condamnation sans équivoque des alliés occidentaux jugeant « beaucoup trop dure » (Angela Merkel) la répression policière, la « vraie image de la Turquie » a été durement altérée dans le reniement des valeurs défendues becs et ongles des « printemps arabes : le droit à la manifestation pacifique et la liberté d'expression violée par le nouveau projet gouvernemental de réglementation et de restriction des réseaux sociaux ». La bataille de Taksim perdue d'avance ?