Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a reçu, avant-hier soir, dans sa résidence d'Ankara un groupe de représentants des manifestants du parc Gezi à Istanbul, quelques heures après leur avoir lancé un ultimatum, selon les médias. Cette délégation est composée d'artistes et de représentants de la société civile, représentants autorisés des occupants de la place Taksim, dont le projet d'aménagement est à l'origine de la fronde contre le gouvernement islamo-conservateur de M. Erdogan. Après, s'être entretenu pendant près de cinq heures la veille dans la capitale turque avec un premier groupe de représentants des manifestants qu'il avait lui-même choisis, mais la composition du groupe n'avait pas reçu l'approbation des manifestants les plus récalcitrants. Cette fois ce sont des militants de la première heure, ceux de la Solidarité Taksim, autorisés à les représenter, qui rencontrent pour la première fois le chef du gouvernement, a-t-on précisé de source informée. L'entretien de M. Erdogan avec la délégation d'une dizaine de représentants a débuté vers 23H00 locales (20H00 GMT), a précisé la chaîne de télévision d'information CNN-Türk. Aucune déclaration n'a été faite avant l'entrevue. Taksim toujours occupée Des centaines de manifestants se sont à nouveau réunis, avant-hier, sur la place Taksim à Istanbul. Le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a immédiatement lancé un "dernier avertissement", exigeant que les protestataires évacuent le lieu. "Nous avons gardé notre patience jusqu'à présent mais la patience touche à sa fin. Je lance mon dernier avertissement: mères, pères, s'il vous plaît, retirez vos enfants de là", a dit M. Erdogan lors d'un discours à Ankara devant des maires de son Parti de la justice et du développement (AKP, issu de la mouvance islamiste). Le Parlement européen critique l'usage excessif de la force Le Parlement européen a critiqué le recours excessif à la force par la police en Turquie, et le refus du Premier ministre d'œuvrer à la réconciliation dans son pays. Dans une résolution adoptée à mains levées, les députés européens ont exprimé leur profonde inquiétude face à la violence excessive et à l'intervention brutale de la police contre des manifestations pacifiques et légitimes. Le Parlement met en garde le gouvernement d'Ankara contre l'adoption de mesures sévères à l'encontre des manifestants pacifiques et exhorte le Premier ministre à adopter une position d'unité et de conciliation afin d'éviter toute aggravation de la situation. Il demande la libération immédiate de tous les manifestants pacifiques arrêtés et actuellement détenus. Les autorités turques doivent enquêter de manière approfondie sur les violences policières, traduire les responsables en justice et proposer de dédommager les victimes, selon la résolution. Le Parlement déplore les réactions dures du gouvernement turc et du premier ministre Erdogan, dont le refus de prendre des initiatives en faveur de la réconciliation, de présenter des excuses ou de comprendre les réactions d'un segment de la population turque n'ont fait que contribuer à polariser davantage la société. La Turquie, en tant que candidate à l'adhésion à l'Union, est tenue de respecter et de promouvoir la démocratie et de renforcer les droits et libertés démocratiques et humains, soulignent les députés. Le mouvement de contestation actuel reflète également le mécontentement qui grandit dans des pans de la population turque, analysent les parlementaires, qui demandent au gouvernement de respecter la pluralité et la richesse de la société turque, de protéger les modes de vie laïcs et de respecter la liberté de la presse. Au cours du débat avant ce vote, la chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, avait appelé la veille M. Erdogan à privilégier le dialogue et non la confrontation. Ce qui s'est passé en Turquie est une claire violation des droits de l'Homme, et nous savons tous que ce n'est pas un cas isolé, avait fustigé le chef de file des élus libéraux, l'ancien Premier ministre belge Guy Verhofstadt. M. Erdogan doit changer s'il ne veut pas éloigner la Turquie de l'Europe et du respect des valeurs européennes, avait estimé son homologue du groupe socialiste, l'Autrichien Hannes Swoboda. La Turquie juge inacceptable cette résolution Le chef de la diplomatie turque, Ahmet Davutoglu, a jugé inacceptable cette résolution adoptée par le Parlement européen. Cette attitude est inacceptable, a martelé M. Davutoglu devant les journalistes, affirmant que la Turquie était une démocratie de première classe et n'avait de leçon à recevoir de personne. Cette résolution, lorsqu'elle nous sera transmise, sera immédiatement rejetée, a dit le ministre turc. Peu auparavant, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a aussi vivement critiqué la résolution des députés européens. “Vous vous prenez pour qui? Avec quelle audace vous osez adopter une telle décision? Je ne la reconnais pas”, a lancé M. Erdogan, principale cible d'une contestation sans précédent qui agite la Turquie depuis deux semaines, faisant quatre morts et près de 5 000 blessés.