L'annonce a fait l'effet d'une bombe. En effet, après douze années d'une guerre sans merci, qui a quasiment bouleversé l'ordre mondial, les Américains vont officiellement négocier avec leurs principaux ennemis, les Talibans. Les choses s'accélèrent de façon vertigineuse en Afghanistan. La rencontre, qualifiée, d'ores et déjà, d'« historique », mais dont aucune date n'a été avancée jusqu'ici, aura lieu à Doha, où les insurgés islamistes ont ouvert, mardi, un bureau ad hoc. S'agit-il d'une nouvelle ère qui ouvrirait des perspectives politiques entres les deux parties dans l'espoir de mettre fin à la guerre ? Un responsable américain à Washington reste, néanmoins, prudent. « C'est le début d'un parcours très difficile », reconnaît-il, tranchant ainsi avec l'optimisme soulevé chez les principaux acteurs du dossier. Le secrétaire d'Etat, John Kerry, a salué cette « bonne nouvelle », à l'instar des chefs talibans qui y voient un chemin vers « un règlement pacifique de nature à mettre fin à l'occupation de l'Afghanistan ». Mais ces derniers s'arqueboutent autour de leur principale revendication : l'instauration d'« un régime islamique indépendant ». En guise de bonne volonté, ils s'engagent à « n'autoriser personne à utiliser le territoire afghan pour menacer la sécurité des autres pays » sans toutefois mentionner explicitement les éléments d'Al Qaïda. Ce brin d'optimisme affiché par les Talibans n'est pas un chèque à blanc accordé aux américains. Le redoutable mouvement n'a pas renoncé à son combat contre les troupes de l'Otan sur place. Ses responsables ont, d'ailleurs, revendiqué, hier, l'attaque contre la base de Bagram (nord de Kaboul), qui a coûté la vie à quatre soldats américains. Néanmoins, pour faire vite, l'envoyé spécial des Etats-Unis pour l'Afghanistan et le Pakistan (qui a salué, à son tour, cette initiative) James Dobbins, se rendra, cette semaine, dans ces deux pays avec, d'abord, une escale en Turquie et au Qatar. Mais le département d'Etat, n'a pas précisé si, et éventuellement où, le diplomate rencontrerait les Talibans. Largement saluées, ces futures négociations ne font pas pour autant l'unanimité. Le président afghan, Hamid Karzaï, semble avoir été pris de court. Le Haut conseil pour la paix (HCP), une instance qu'il a créée dans cette perspective, a menacé de boycotter ces discussions « si elles ne sont pas menées exclusivement sous l'égide des Afghans ». La veille, Kaboul a suspendu ses négociations de sécurité avec Washington. Une réaction qui a poussé Barack Obama à jouer l'apaisement. Il a plaidé, hier, depuis Berlin, pour la poursuite du processus de réconciliation inter-afghane.