Ali Zeïdane prend la mesure de la colère de la rue libyenne travaillée au corps par les « tamarod » égyptien et tunisien. Il annonce un remaniement de son gouvernement « sous peu ». « Nous sommes sur le point de procéder à un remaniement gouvernemental et de réduire le nombre de ministères afin de garantir une meilleure efficacité et de répondre à l'urgence de la situation », dit-il dans un point de presse. Ce remaniement réussira-t-il à calmer les Libyens dont des milliers ont manifesté samedi à Tripoli et Benghazi pour dénoncer l'insécurité, l'instabilité et l'assassinat au sortir d'une mosquée de Abdelsalam al Mosmary, un avocat qui affichait ouvertement son hostilité aux Frères musulmans ? Le gouvernement de Zeidane peine à asseoir son autorité sur la myriade de groupes armés qui refusent de désarmer après avoir participé à la guerre civile qui a abouti à la chute de Kadhafi fin 2011. Conséquence de cette incapacité : la population est de plus en plus lassée par les querelles politiques et l'anarchie qui règne dans le pays près de deux ans après la chute de Kadhafi. Samedi matin, des jeunes ont incendié dans la capitale de Cyrénaïque, dans l'est du pays, les locaux du Parti pour la justice et la construction (PJC), le bras politique des Frères musulmans. Ces derniers refusent d'admettre une quelconque contestation de leur influence, encore moins cette accusation d'avoir commandité l'assassinat de l'avocat et celui, toujours à Benghazi, de deux officiers de l'armée. « Nous avons condamné fermement l'assassinat de Mosmary. Tous les Libyens devraient entendre cela et s'abstenir de nous accuser publiquement », a déclaré Abdoulrahmane al Dibani, un député du PJC. Et de réaffirmer, comme nombre des « Frères », que son parti n'entretient pas de lien financier ou politique avec la confrérie en Egypte. A Tripoli, des jeunes manifestent depuis samedi en criant des slogans anti-islamistes. Un groupe de jeunes a fondu sur les bureaux du PJC, brisant les vitres, grimpant sur les bureaux et s'emparant de documents pour les jeter dans la rue. « Allez raser vos barbes, hypocrites, la Libye n'a pas besoin de vous », ont-ils tagué sur les murs du bâtiment. Loin de ces échanges, des prisonniers planifiaient leur évasion de la prison d'Al-Kuifiya à Benghazi. Plus de 1.200 d'entre eux ont réussi samedi soir à s'échapper après avoir provoqué une émeute à l'intérieur de l‘édifice pour faciliter une attaque menée de l'extérieur par des hommes armés. Parmi les fugitifs, des incarcérés pour affaires liées à l'ancien régime. Ali Zeidan, dont la seule force du gouvernement face aux milices armées lui vient de l'argent du pétrole, a ordonné la recherche des évadés dans tout le pays et la fermeture du passage frontalier avec l'Egypte.