Cette vision apocalyptique a été immédiatement confortée par le jeu israélien, lançant des tirs de missiles balistiques, tombés en mer et détectées par les navires russes. Après le démenti de Tsahal, la bravade israélienne a fini par lever le voile opaque sciemment entretenu sur les réelles motivations d'une provocation qui sent le souffre. A une minute près, suivant l'annonce de Moscou, le ministère israélien de la Défense a annoncé avoir mené « avec succès », dans la matinée d'hier, un tir de missile radar de type Ankor dans le cadre d'un exercice militaire israélo-américain. « Tous les éléments du système ont fonctionné conformément à la configuration opérationnelle », a précisé le communiqué. L'opération a été menée depuis une base militaire du centre d'Israël pour affiner, estiment des médias, « les relevés météorologiques » dans la perspective d'une intervention qui peine à former un solide consensus au sein de la communauté internationale massivement réfractaire. Sur le pied de guerre, Israël, qui a déployé des batteries anti-missiles aux frontières nord, met plus de pression sur le régime syrien pris en tenaille par la rébellion. Au même moment, des attaques ont visé, dans le nord-est, un gazoduc entraînant la fermeture de l'usine (1,5 million de mètres cubes par jour), et du puits de pétrole de Hassaka, plus au nord, produisant 3 000 barils/jour. Moscou, qui a déployé un nouveau navire de débarquement, le Novotcherkask quittant le port de Novorossiïsk (mer Noire) en direction du Bosphore, plaide pour la thèse de l'intimidation. « Il est possible que les destroyers de la 6e flotte de la Marine américaine aient tiré à blanc ou des leurres pour tester l'efficacité du système de défense antimissile syrien », a indiqué une source citée par l'agence Interfax. Ces tirs pourraient avoir pour but d'« intimider le peuple syrien et désorganiser la communauté internationale », précise-t-on. Sous haute surveillance, la Méditerranée est le théâtre de la nouvelle guerre du Moyen-Orient, suspendue au feu vert du Congrès. Le forcing d'Obama, rencontrant, hier, les responsables des commissions des deux chambres peu avant son départ en Suède, rend d'autant plus inéluctable une « action militaire ciblée » qu'elle se légitime du principe sacro-saint de l'« intérêt national ». C'est cette cause que les poids lourds de l'Administration Obama, le secrétaire d'Etat John Kerry, le chef du Pentagone Chuck Hagel et le général Martin Dempsey, le plus haut gradé américain, entendent défendre devant les 18 sénateurs de la commission des Affaires étrangères. A cet effet, Kerry « expliquera que l'absence d'action contre Assad annule l'effet dissuasif des normes internationales contre l'utilisation des armes chimiques, met en danger nos amis et nos partenaires le long des frontières de la Syrie et risque d'enhardir Assad et ses alliés clés : le Hezbollah et l'Iran », a expliqué un haut responsable du département d'Etat. En attendant la date-butoir du 9 septembre, le quitus des deux chambres, le Sénat, majoritairement démocrate (53 contre 45 républicains et 2 indépendants), et la Chambre des représentants, dominée par les républicains (233 contre 200), présente de « maigres chances » de se faire délivrer par des parlementaires « globalement divisés » dans les deux camps en faucons et en colombes. Le cri de ralliement des interventionnistes est tout aussi bien lancé par le président démocrate des affaires étrangères, Robert Entendez, que les influents sénateurs républicains John McCain et Lindsey Graham, jugeant « catastrophique » un éventuel rejet de la résolution. Le dilemme américain oscille entre le tenants de la « guerre aujourd'hui » et les opposants (démocrates et républicains et partisans du parti extrémiste du Tea Party) circonspects et, comme le sénateur démocrate Richard Durbin, « plus ouverts au débat ». Mais dans cette bataille en rangs désunis, la perspective d'une confortable majorité reste lointaine, a reconnu le faucon Mc Caïn. Dans la « grande tragédie de ce siècle », évoquée par le haut-commissaire de l'ONU pour les réfugiés, Antonio Gutteres, le calvaire des populations, affluant aux frontières (2 millions) ou déplacées (4,25 millions) à l'intérieur de la Syrie, ne fait que commencer dans un conflit meurtrier et destructeur (1.500 milliards de dollars de pertes) pour une reconstruction évaluée à près de 73 milliards de dollars.