Opinion publique sceptique, allié britannique forfait et route de l'ONU barrée: le président américain Barack Obama, qui réunissait vendredi matin son équipe de sécurité nationale, se retrouvait plutôt isolé au moment de prendre une décision dans le dossier syrien. Pour renforcer sa main, la Maison Blanche a promis la publication d'ici à la fin de la semaine d'une évaluation du renseignement prouvant selon elle que le régime du président syrien Bachar al-Assad est responsable de l'attaque chimique du 21 août qui a coûté la vie à plusieurs centaines de civils selon l'opposition. Une déclaration solennelle du secrétaire d'Etat John Kerry est prévue à 12H30 (16H30 GMT). Mais M. Obama a déjà assuré qu'il ne faisait pas de doute que le gouvernement de Damas était à l'origine du massacre. Washington assure que le président se déterminera avant tout en fonction des intérêts de son pays au moment de décider d'une action punitive, un «coup de semonce » comme il l'a dit mercredi. « Les décisions du président Obama seront guidées par ce qui est dans l'intérêt des Etats-Unis », a déclaré une porte-parole de la présidence, peu après que le Parlement britannique eut rejeté une motion sur une intervention en Syrie. Ce camouflet pour le Premier ministre David Cameron prive les Etats-Unis d'un allié jusqu'ici fiable: Londres avait été la seule capitale à accompagner dès le début l'intervention américaine de mars 2003 en Irak. Si la France reste disposée participer à une action « proportionnée et ferme » aux côtés des Etats-Unis, Washington a déjà tiré un trait sur un feu vert du Conseil de sécurité des Nations unies vu le droit de veto dont y dispose la Russie, soutien jusqu'ici indéfectible du régime Assad. L'isolement relatif de Washington sur la scène internationale s'accompagne d'une certaine méfiance de l'opinion publique américaine et du Congrès vis-à-vis d'une nouvelle intervention au Moyen-Orient, moins de deux ans après le départ d'Irak des derniers soldats américains à l'issue d'une occupation meurtrière. « Fenêtre de tir » étroite Un sondage NBC montre vendredi que 50% des Américains rejettent l'idée d'une action militaire contre le régime syrien pour le punir d'avoir utilisé des armes chimiques, contre 42% qui l'approuvent. Une très large majorité (79%) dit souhaiter que M. Obama obtienne l'autorisation du Congrès avant toute intervention militaire. La loi américaine requiert en théorie une autorisation votée par le Congrès pour tout déploiement durable de forces à l'étranger, mais les présidents américains ont toujours estimé qu'ils disposaient du pouvoir constitutionnel de déclencher des opérations militaires sans aval parlementaire. Mercredi, 116 élus de la Chambre (sur 435), dont 18 démocrates, avaient ainsi réclamé la convocation du Congrès de façon à autoriser formellement des frappes. Jeudi, une autre lettre allant dans le même sens, co-signée par 54 élus, en majorité démocrates, a également été envoyée à Obama. Plus inquiétant pour M. Obama, 35% seulement des personnes interrogées ont une opinion favorable de sa gestion du dossier syrien, 41% de sa politique étrangère, tandis que sa cote de confiance générale est à 44%, soit la plus basse jamais enregistrée lors des précédentes livraisons de cette enquête. Ce scepticisme de l'opinion publique se reflète dans les déclarations de certains élus du Congrès jeudi soir, à l'issue d'une conférence téléphonique de 90 minutes lors de laquelle les plus hauts responsables de sécurité nationale de l'administration Obama ont souhaité «partager le raisonnement de l'administration (avec les élus) et à solliciter leur avis sur la réponse au régime Assad » selon la présidence. Le sénateur républicain Jim Inhofe a ainsi critiqué l'absence de « calendrier et de stratégie pour la Syrie et le Moyen-Orient ». La «fenêtre de tir » pour une éventuelle intervention, alors que cinq destroyers américains équipés de missiles de croisière sont déployés en Méditerranée orientale, pourrait s'avérer étroite après le départ de Syrie des inspecteurs de l'ONU, prévu samedi matin. M. Obama doit voyager en Russie pour un sommet jeudi et vendredi prochains après une escale en Suède mercredi. Voir les Américains diriger des frappes sur son allié syrien depuis son propre territoire constituerait un affront supplémentaire pour le président russe Vladimir Poutine après l'annulation cet été d'un sommet bilatéral par Washington.