Prévue samedi dernier, la désignation d'une personnalité indépendante au poste de Premier ministre a été reportée pour aujourd'hui, signe de l'âpreté des négociations entreprises depuis le 25 octobre entre le parti d'Ennahda, au pouvoir, et l'opposition, sous l'égide de l'Union nationale des travailleurs tunisiens (UGTT), l'un des parrains du dialogue national. Bien qu'ils aient affiché leur détermination à aller jusqu'au bout de la feuille de route tracée par l'UGTT, les négociateurs des deux camps ne parviennent pas à choisir entre deux candidats : Mohamed Ennaceur, 79 ans, soutenu par l'opposition, et Ahmed Mestiri, 88 ans, soutenu par Ennahda. Il s'agit de vétérans de la politique ayant été ministres sous la présidence du défunt Habib Bourguiba. L'opposition juge M. Mestiri trop faible physiquement et craint qu'Ennahda cherche à contrôler indirectement le gouvernement. « Ennahda veut quitter le pouvoir par la porte et revenir par la fenêtre », dénonce Hamma Hammami, un dirigeant de la coalition de gauche, le Front populaire. Hypothèse totalement réfutée par Ennahda dont le porte-parole, Zied Laâdhari, considère M. Mestiri comme « l'homme de la situation (...) à égale distance de tout le monde, connu par sa neutralité ». Quelle que soit la personnalité qui devrait dès aujourd'hui prendre les rênes du pouvoir, à la tête d'un gouvernement d'indépendants, sa tâche n'est pas de toute aisance, sachant la détermination clairement affichée du parti de Rached Ghannouchi à ne rien céder sur le fond. L'actuel Premier ministre, Ali Laâreyedh, ayant annoncé la couleur en conditionnant son départ par l'application stricte du calendrier des négociations. C'est-à-dire la mise en place d'une législation et d'un calendrier électoraux ainsi que le lancement immédiat de la procédure d'adoption de la Constitution, en cours de rédaction depuis deux ans. Autres aléas : l'élection des membres de la commission électorale par l'Assemblée nationale constituante (ANC), également prévue samedi dernier, reportée, alors que l'adoption de la loi électorale, qui devait intervenir avant le 9 novembre, est mal engagée, les travaux n'ayant pas encore débuté. Les deux camps auraient sûrement aimé conduire la transition politique dans un climat apaisé, alors que les tensions sécuritaires continuent de croître. Ainsi, le chef de l'Etat, Moncef Marzouki, a prolongé l'état d'urgence, qui accorde de larges pouvoirs à la police et à l'armée, de huit mois, soit à juin 2014.