Ecrire le tifinagh paraît une pratique ordinaire, mais écrire artistiquement les lettres de cette langue ancestrale et en faire un art proprement dit est un fait inédit qu'on a pu découvrir lors de notre balade dans le campement du festival des arts de l'Ahaggar. L'atelier de la calligraphie tifinagh, animé par le peintre Smail Matmati et l'enseignant Mohamed Hamza, a su attirer beaucoup de monde. Les enfants, les femmes et les hommes veulent tous connaître les lettres de cette écriture. Les plus chanceux ont même eu droit à une écriture artistique de leurs noms signé par Smail Matmati. L'atelier de la calligraphie tifinagh est initié pour la première fois à ce festival. « C'est l'art de bien dessiner les caractères de l'écriture tifinagh, avec le kalam, comme cela se fait dans la calligraphie arabe, latine et autres. Je travaille sur le développement de cette écriture depuis les années 1980 mais ce n'est que dans les années 1990 que j'ai commencé à montrer le fruit de mon travail au public » nous a affirmé Smail Matmati, artiste, spécialiste de cette écriture artistique. Cet atelier se veut un espace pour « faire connaître et transmettre cette écriture aux autres ». Un important travail de recherche a été fait avant d'atteindre ce résultat. « Je me suis basé sur les recherches faites par les archéologues et j'ai fait plusieurs déplacements dans le Sud pour récolter, étudier et comprendre ces lettres et les sens des mots » a affirmé M. Matmati, précisant que « le tifinagh est la plus vieille écriture au monde. Elle existe depuis des siècles et a été gravée sur les pierres » a-t-il expliqué. « Mon travail consiste à donner des proportions et des formes à ces lettres un peu différentes de celles des autres langues étant donné qu'elles sont un peu géométriques contenant des lignes, des carrés, des triangles et autres. J'utilise les mêmes techniques d'écriture des autres calligraphies avec quelques différences compte tenu de la spécificité de cette écriture ». L'artiste a fait plusieurs expositions en Algérie et en France et a participé à plusieurs évènements artistiques où il a eu l'occasion de faire connaître cette écriture à des gens pratiquant d'autres langues et d'autres cultures. Un effort personnel qui se veut de valoriser et de préserver ce patrimoine ancestral. « Je confectionne des toiles artistiques en retraçant des lettres, des mots, des phrases et des poèmes de cette langue. Je travaille sur le papier, le bois et la toile en utilisant des plumes et des pinceaux » a-t-il dit, relevant « l'intérêt des Algériens et des étrangers à cette écriture qu'il méconnaissaient auparavant ». En dépit de l'inexistence d'un enseignement académique de la calligraphie tifinagh, ni en Algérie, ni en France ni ailleurs, M. Matmati est optimiste quant au maintien de cette tradition et de cette langue. « Je ne crois pas que le tifinagh va disparaître, car les Touareg continuent de l'écrire. Ce que je souhaite, c'est d'intégrer un module de l'enseignement de cet art dans une école de beaux arts car j'ai rencontré des jeunes qui veulent apprendre cette calligraphie mais ils ne savent pas où le faire ». La polémique du sens que doit prendre l'écriture du tifinagh est résolue chez cet artiste. « J'écris le tifinagh de bas en haut. C'est le vrai sens de cette écriture. J'ai rencontré beaucoup de femmes touareg et je les ai vues transcrire cette langue sur le sable. Elle vont du bas vers le haut en utilisant les deux doigts. »