Le Tifinagh est un alphabet ancien propre aux populations berbères. Cette invention graphique n'a été observée que dans les sites occupés par des sociétés anciennes d'Afrique du Nord, comme l'ouest égyptien, la Libye, la Tunisie, l'Algérie, le Maroc, les îles Canaries, la Maurétanie, le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Ces caractères, de forme géométrique, ont été conservés par les Touareg au fil des siècles. Malgré les turbulences de l'histoire, le Tifinagh a résisté. Il est resté dans son état brut. Les témoignages de l'authenticité de cette écriture sont nombreux. On peut citer, par exemple, les inscriptions rupestres de l'âge de bronze, les stèles commémoratives et les mausolées. Le Tifinagh est l'une des premières langues africaines écrites. Ce qui conforte l'enracinement afro-méditerranéen des Amazighs. La culture et l'identité berbères ont été conservées pour une grande part grâce au Tifinagh.
- Comment pouvez-vous nous présenter la calligraphie en quelques mots ?
La calligraphie est composée de deux mots qui proviennent du grec (kallos) qui signifie (beau) et (graphein) qui signifie (écrire). Presque toutes les civilisations qui pratiquent l'écriture ont développé un art de la calligraphie, surtout en Asie. Pour moi, la calligraphie c'est l'image de la parole. Elle commence par le tracé de la forme isolée de la lettre, puis l'assemblage des lettres, et enfin les mots et les phrases sous forme de proverbes ou de poèmes.
- Vous êtes l'un des rares calligraphes berbères. Pourquoi cette absence d'intérêt dont souffre la calligraphie du Tifinagh ?
Quand j'étais étudiant à l'école des beaux-arts d'Alger durant les années 1980, j'ai appris à faire de la calligraphie arabe et latine. Au fond de moi, je me suis dit : pourquoi je ne me lance pas dans la calligraphie berbère aussi ? Donc, j'ai commencé à faire des recherches. Tous les alphabets sont répertoriés dans la documentation spécialisée, sauf le Tifinagh. C'est ainsi que j'ai commencé à dessiner les lettres avec les plumes et le calame qui est l'outil principal du calligraphe. Je pense que j'étais le premier à le faire. Mon objectif était de développer le Tifinagh d'une manière artistique et lui procurer une place parmi toutes les calligraphies universelles.
- Ces caractères sont-ils donc moins artistiques que les autres écritures ?
C'est vrai que le Tifinagh est une transcription moins artistique. A l'origine, c'est une écriture gravée sur les roches. Les seuls qui l'utilisent couramment de nos jours sont nos frères touareg. Pour lui donner cette allure artistique, j'ai commencé par la répétition d'exercices graphiques, en respectant la perfection de la forme. J'ai voulu absolument donner à chaque lettre sa portion nécessaire de ligne (plate-courbée-penchée), en tenant compte de sa bonne position et de sa mesure.
- Quels sont vos projets et vos suggestions pour développer ce domaine de la calligraphie berbère ?
Mon objectif à court terme est de faire une tournée dans les 48 wilayas pour exposer mes toiles au grand public, dans les maisons de culture, musés et galeries d'art, et organiser des ateliers d'apprentissage de l'écriture tifinaghe au profit des enfants. D'ailleurs, je lance un appel aux autorités culturelles nationales et locales pour m'aider dans ce sens. Mes projets à moyens et long termes concernent d'abord la préparation d'un livre d'initiation à la calligraphie tifinaghe. Puis, j'essaye de mettre en place un projet pour réclamer et défendre l'introduction de la calligraphie tifinaghe dans les différentes écoles d'art, en Algérie et ailleurs.