La transcription de la langue tamazight suscite toujours une problématique en Algérie. Certains utilisent le caractère arabe, comme la majorité des Mouzabites, les autres ont opté pour l'alphabet latin, en se basant sur les études qui ont été réalisées par le passé. Même les penseurs algériens sont partagés sur la question. Le sociologue Ali El-Kenz pense que l'enseignement de tamazight et son écriture doivent se faire avec des caractères arabes. Mouloud Mammeri, avec ses livres de la linguistique comme Tajerrumt n tmazigt et Précis de grammaire berbère, a opté pour le latin. Entre les uns et les autres, une troisième voie, soit l'écriture en tifinagh veut se faire entendre. L'origine de tifinagh, selon Hamza Mohamed, professeur de l'écriture ancestrale targuie, revient à «Amamallen» ou l'homme mythique qui voulait transmettre un message secret à sa dulcinée. Il se dit : «j'ai une voix. Je lui donne une forme. Ainsi naquit le tifinagh». «Destinatrice du premier message transcrit, la femme est devenue la gardienne de l'écriture et aura la tâche de la transmettre à sa descendance», poursuit l'animateur de l'atelier tifinagh installé au campement d'Aguennar pour le Festival international des arts de l'Ahaggar de Tamanrasset 2011. Ce professeur a fait remarquer que tifinagh saharien est un alphabet touareg ancien. Il contient des signes supplémentaires, comme le trait vertical pour noter la voyelle finale /a/. A propos de l'écriture, Hamza Mohamed explique que plusieurs théories s'affrontent. Certaines datent la transcription de tifinagh à la même ère qui a vu l'apparition de l'écriture en Mésopotamie (3500 ans avant notre ère). D'autres études «plus sérieuses», comme il le fait remarquer, établissent sa naissance à plus de 1 500 ans avant le calendrier grégorien. Elle aurait été influée par l'alphabet phénicien transmis à l'époque libyco-berbère. Dans tous les cas de figure, tifinagh est une «invention berbère» et serait ainsi l'écriture de toute la région nord-africaine (sauf l'Egypte) avec certaines variantes comme tifinagh saharien (plus ancien) et tergui (qui persiste), dues essentiellement à la nature du support (il est plus difficile de transcrire un cercle sur une pierre que sur une peau). Revenant sur le mode de transmission exclusivement féminin (les hommes apprennent l'écriture mais ne la transmettent pas), il revient sans complexe sur le rôle de la gent féminine dans la société targuie à caractère matriarcal. «C'est la femme qui possède les richesses». Pour ce qui est de sa transmission, l'enseignant a indiqué qu'elle se faisait par les femmes, mais maintenant ce n'est plus le cas. Interrogé sur cet anneau perdu de la chaîne, cet artiste dira : « Nos mères nous inculquaient tifinagh en transcrivant l'alphabet berbère sur le sol, mais maintenant, on a le carrelage à la place du sable». Ceci pour dire que le développement n'a pas apporté grand-chose à la langue. Pourtant, dans l'écriture berbère, a-t-il expliqué, chaque lettre peut contenir un verbe. Exemple : en tergui, on peur désigner aller vers par une seule lettre «R» et «se lever» par «K». «Il est plus riche que les autres langues. Où se situe tifinagh actuellement ? L'enseignant présente un tableau plus ou moins maussade par rapport au devenir de cette langue ancestrale. «Je reconnais que beaucoup de choses ont été faites pour la promotion de la langue berbère mais c'est un développement amateur. Tifinagh est otage des intellectuels arabophones et francophones. Les Touaregs, en connaissent véritablement la transcription et le sens des mots, n'ont pas été invités au débat. Oubliés en quelque sorte, car ils ne possèdent pas de grands diplômés», a-t-il déploré. Pour l'heure, ils sont (les Touareg) en troisième position. « On n'est pas encore entré dans le débat. Mais cela ne veut pas dire qu'on ne s'y intéresse pas », a révélé M. Hamza.