Beyrouth s'est réveillée, hier, meurtrie par le double attentat commis, la veille, « de manière presque concomitante » par deux kamikazes, à l'entrée de l'ambassade d'Iran, et revendiqué par les Brigades Abdallah Azzam, affiliées à al Qaïda. Au moins 23 morts, dont le conseiller culturel en poste depuis un mois, Cheïkh Ibrahim Ansari, et quelque 150 blessés ont été recensées. Les « attentats suicides », ainsi qualifiés par l'armée libanaise, alimentent le cycle infernal de la violence au Liban touché de plein fouet par le conflit syrien. C'est dans le fief même du Hezbollah, dans le quartier résidentiel de Bir Hassan du sud de Beyrouth, à majorité chiite, que l'attaque a visé son allié régional convaincu de la responsabilité des « sionistes et de leurs mercenaires » et déterminé de « poursuivre la lutte contre l'ennemi israélien ». Dans un communiqué publié par l'agence Irna, la porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Marzieh Afkham, a déclaré que « l'acte terroriste » n'aura « aucun impact » sur les positions iraniennes. Dans le contexte des tensions entretenues par les clivages entre les sunnites et les chiites, Damas, conforté par ses succès sur le terrain (prise de Qara bloquant l'accès des rebelles au Liban), a avancé la thèse de la complicité de certains pays du Golfe accusés de « tous les actes terroristes frappant la Syrie, le Liban et l'Irak ». Le 3e attentat ciblant particulièrement le Hezbollah porte les stigmates de la contagion syrienne ravivant les vieux démons de la guerre civile : en août, les deux attentats de Beyrouth (plus de 70 morts) pour « punir le Hezbollah » qui a immédiatement riposté par des attaques contre deux mosquées à Tripoli. L'onde de choc a rompu le fragile équilibre politique du Liban à deux têtes, le Chef du gouvernement démissionnaire et le tout nouveau Premier ministre intérimaire, Temam Salam, en charge des affaires courantes, et sans perspectives de sortie de crise. Sur fond d'instabilité et en raison des tensions politico-sécuritaires, les législatives du printemps sont renvoyées aux calendes grecques et imposent la prorogation du mandat du Parlement. Le consensus éclaté de Baabada, concrétisé par l'accord adopté en juin 2013 par toutes les parties tenues de prendre leurs distances des conflits régionaux, a porté la guerre au cœur de Beyrouth et dans les bastions sunnites de Tripoli, au Nord, et de la Bekaa. Les stigmates se font ressentir dans cette guerre par procuration opposant les grandes puissances et menée par l'axe régional des adversaires et des partisans de Bachar El Assad. A qui profite l'embrasement libanais ? L'ancien Chef de gouvernement, Saâd Hariri, l'ennemi juré du mouvement chiite libanais, redoute les conséquences du grand dérapage. Il a estimé qu'« il faut préserver le Liban des flammes qui l'entourent et éviter aux Libanais les retombées de l'implication militaire dans la tragédie syrienne ». A son tour, Téhéran, qui décèle, dans le double attentat suicide, « le signal d'alarme pour tous » et un symptôme de « l'extrémisme » dans la région, tout particulièrement en Syrie, a toutes les raisons du monde de s'en inquiéter. « L'extrémisme ne peut être contenu dans un seul pays », a déclaré le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif. « C'est un problème rès grave. Lorsque l'on voit la tension éclater en Syrie, il n'est guère possible de l'arrêter à la frontière syrienne ou même au Moyen-Orient », a-t-il ajouté.