A l'appel de plusieurs partis politiques, quelque 700 personnes se sont rassemblées, hier, devant le palais de justice d'Ankara, à l'occasion d'une nouvelle audience du procès d'un policier, accusé d'avoir tué Ethem Sarisuluk, un ouvrier communiste de 26 ans, le 1er juin dernier, scandant des slogans hostiles au gouvernement islamo-conservateur du Parti de la justice et du développement (AKP), au pouvoir depuis 2002. « Ethem a été abattu par la police de l'AKP », ont-ils scandé. Son meurtrier présumé, Ahmet S., un policier, n'était pas présent à l'audience. Il devait répondre aux questions du tribunal par visioconférence depuis la province de Sanliurfa (sud-est de la Turquie). Risquant une peine maximale de cinq ans d'emprisonnement pour « usage excessif de la force », il a été remis en liberté après une première audience le 23 septembre où il était apparu portant une perruque et une fausse moustache. Sur une vidéo diffusée sur internet dès le mois de juin, on voit la victime s'effondrer brusquement face à un policier casqué qui s'enfuit ensuite l'arme au poing. Ce procès relancera-t-il la protesta ? Selon certains analystes, l'opposition pourrait mettre à profit le différend actuel entre le parti d'Erdogan et la confrérie religieuse de l'imam Fethullah Gülen, soutien sans faille du chef de l'AKP depuis dix ans, pour rebondir. La presse a publié la semaine dernière un document confidentiel compromettant daté de 2004. Dans cette lettre, signée notamment par M. Erdogan et le président Abdullah Gül, à l'époque ministre des Affaires étrangères, le Conseil national de sécurité demandait explicitement au gouvernement de prendre des mesures pour « en finir » avec le mouvement Gülen. Entre pro-Erdogan et pro-Gülen très présents dans la police, la diplomatie et l'administration judiciaire, mais aussi dans le monde des affaires, la guerre est déclarée, avec l'élection présidentielle de 2014 en toile de fond. En juin dernier, des centaines de milliers de Turcs sont descendus dans les rues à travers la Turquie pendant trois semaines pour exiger la démission du Premier ministre Erdogan.