Mabida s'en allé. Pour l'histoire. L'humanité signe la légende. Même sa mort est grandiose, bien que Mandela comme tout être vivant, ne pouvait esquiver le finish naturel. L'inévitable. Mais Mandela a mérité sa vie pour sauver celles des peuples, celles des combats justes. Mandela, nous le pleurerons tous mais fièrement que l'humanité ait enfanté ce guerrier de la... paix. Du pardon. Celui qui incarnera pour toujours le miracle d'un pays passé d'un régime ségrégationniste aux tendances dictatoriales à la démocratie dès 1994. Celui qui a été élu Président a choisi un seul mandat. Et si Mandela n'avait pas existé ? La question sonne horriblement. Qui d'autre que Mandela aurait eu autant de mansuétude pour imposer sa séduction à ses criminels adversaires qu'il s'est bien gardé d'humilier en devenant Président et père de la nation. Mandela, un nom que tous les journalistes de la rubrique « internationale » voulaient « pénétrer ». A peine plongé dans sa biographie, son histoire vous happe. Et c'est à l'aurore, presque glacial, vers 5h10 en ce 19 octobre 1985 (on bouclait Horizons entre 9h30 et 10h, le journal paraissait l'après-midi) que le directeur Lyes Hamdani s'engage, coléreux, dans le bureau que partageaient les jeunes journalistes de la « sportive » et de « l'internationale », une dépêche à la main, annonçant l'exécution du poète militant Benjamin Moloise par le régime de l'impitoyable Pieter Botha. « Ils l'on assassiné, les racistes, les envahisseurs colonisateurs », en m'ordonnant de surveiller le fil pour une mouture et un commentaire à lui remettre en mains propres avant 8h. « Mandela se vengera », grommela-t-il avant de revenir à la charge. « Tu as le droit d'insulter, dans ton commentaire, l'apartheid et son président de... ». Difficile test (le commentaire) pour le jeune journaliste que j'étais. Le papier est « pondu » au forceps et, par précaution, je le remets d'abord à Maâmar Farah (le rédacteur en chef) qui y apporta quelques embellies et « brisé » quelques « envolées » incontrôlées. C'est, depuis, que ce nom de Mandela « me posséda ». Cet homme allait résister, 27 ans durant, entre les cellules de Robben Island et Pollsmoor, aux affres de l'apartheid même si ce régime est déclaré dès 1971 « crime contre l'humanité » par l'ONU. Le « 46664 », matricule du célèbre prisonnier, n'est plus un chiffre. Ce sera un repère. Une vision. Un idéal. Surtout un objectif. Un visage de la paix de celui qui refusa d'appeler ses geôliers « baas » (patrons) malgré tous les services et tortures. Condamné, exclu, le régime de l'apartheid sombre, redouble de violence, assassine... En 1974, l'Algérie préside l'assemblée générale de l'ONU et impose la décision historique d'expulser le régime de l'apartheid de la 29e session. Sharpeville, Soweto compteront leurs morts mais l'ANC résiste et Mandela renforce son statut de prisonnier incontournable pour tout règlement politique en Afrique du Sud. Le 11 février 1989, Mandela est libéré et exige la levée de l'interdiction de l'ANC et des autres organisations anti-apartheid. Sa position reste claire pour « la réconciliation avec la minorité blanche à la condition d'éliminer définitivement l'apartheid ». Le 26 février 1990, après des signes d'apaisement, Mandela appelle ses partisans à jeter à la mer leurs fusils, machettes et couteaux pour arriver à une pacification du pays (ANC, Zoulou Inkata, gouvernement). Mandela est déjà écouté et arrive à convaincre. En mai 1990, il revient en Algérie, pays où il a appris militairement, entre 1961 et 1962, les techniques de la guerre, crier son fameux « je suis algérien ! ». L'ANC sera créée dès 1944 pour répondre à la violence du régime de l'apartheid instauré en 1948, surtout suite à l'assassinat de Steve Biko et les carnages de Soweto et Sharpeville. Mandela est chargé par l'ANC dans les années 60 à nouer des contacts pour contrer l'apartheid. D'après l'officier algérien Noureddine Djoudi, le leader de l'ANC fera le périple Ethiopie-Le Caire avant d'arriver au Maroc en compagnie de Robert Reisha. Les deux hommes trouvent un écho favorable en Egypte chez le GPRA avant de rencontrer au Maroc des cadres militaires algériens dont Boumediène qui, par souci de sécurité, les « intégra » dans la délégation des organisations nationalistes des colonies portugaises devant être reçues par l'ALN. Le « BOS » (service de renseignement sud-africain) suivait de près les déplacements de Mandela. Pris en charge à l'état-major ouest, le jeune officier Noureddine Djoudi, maîtrisant la langue de Shakespeare, allait orienter Mandela dans toutes ses missions politico-militaires avec les responsables algériens Kaïd Ahmed et Cherif Belkacem. Militairement, Mandela fera son instruction militaire sous le commandement de Mohamed Lamari (futur général-major de corps d'armée décédé le 13 février 2012). De retour en Afrique du Sud, il sera arrêté sur dénonciation de la CIA. Toute l'humanité gardera l'image d'un homme libre. Juste. Le concert du 11 juin 1988 de Wembley retransmis dans 70 pays avec les stars Stevie Wonder, Eric Clapton, Whitney Houston, Stings, George Michael, Dire Straits, allait sonner le glas de l'apartheid et des geôliers d'un peuple qui alla se libérer avec le retour du père de la nation arc-en-ciel. Elu président, Mandela expurge son lexique et sa réflexion des termes de pronunciamiento, gérontocratie, race, clanisme. Mandela ne badine pas avec les principes, lui qui s'est séparé en 1998, divorçant d'avec Winnie qu'il avait épousée en 1958. A Alger, au bureau de l'ANC (place Emir-Abdelkader) ouvert par les autorités algériennes (durant l'incarcération de Mandela) les journalistes ont parfait leurs connaissances auprès des militants et amis de Mandela, Messieurs Makitimi et Robert Reisha. Mandela, homme d'état, pas de pouvoir. De la voie pour une Afrique des peuples.