Autre fait inédit : l'absence de Netanyahu au pays de l'« Arc-en-ciel », en rupture avec le système hideux de l'apartheid représentatif du sionisme assimilé, comme le proclame la résolution 3379 de l'Assemblée générale de l'ONU de 1974, à « une forme de racisme et de discrimination raciale » révoquée, malheureusement, sous l'impulsion des Etats-Unis, par une autre résolution contradictoire 46/86 du 16 décembre 1991. Jusqu'au bout, l'« Africain capital » a été dans la trajectoire historique, totalement au service des idéaux de liberté, de réconciliation et du pardon qui ont pesé sur la cérémonie d'adieu organisée, de 11 h à 15 h, dans le stade du quartier mythique de Soweto, là où le vainqueur de l'apartheid a fait sa dernière apparition publique lors de la Coupe du monde de football de 2010. La symbolique a envahi la capitale sud-africaine aux longues processions effectuées par des milliers de Sud-Africains. Outre le Soccer de Soweto et ses 80.000 places, trois autres stades sont ouverts au public pour la projection de la cérémonie. Il est également prévu que la dépouille soit exposée pendant trois jours au siège du gouvernement de Pretoria, avant de procéder à l'inhumation de Nelson Mandela dans son village natal, Qunu, où il reposera auprès de trois de ses enfants. Cette reconnaissance populaire est consolidée par l'immense aura de celui qui se voulait « ni saint ni prophète » pour mériter, dans les faits, du combat pacifique de Mahatma Ghandi et du rêve grandiose de Martin Lutter King, qu'il a su transcrire en réalité immuable. Tout naturellement, « le monde entier vient en Afrique du Sud », affirme solennellement le gouvernement sud-africain. Une centaine de chefs d'Etat — le président Abdelaziz Bouteflika est représenté par le président du Conseil de la nation, Abdelkader Bensalah, qui a conduit une délégation de haut niveau — ont fait front, hier, avec le peuple sud-africain, rassemblés dans un ultime adieu avec « l'Africain capital » décidé à aller à la « rencontre de mon destin comme un homme », écrivait-il pour la postérité dans ses notes de cellule. Et cette homme qui a fait la rencontre historique avec l'Algérie combattante et indépendante a vécu, dans l'enfer de « l'université Robben Island » et de la prison Pollsmor où il a été transféré, en 1982, la légende balbutiante de l'Afrique « Arc-en-ciel » débarrassée des oripeaux de l'apartheid, portée à bout de souffle par l'Occident amnésique et ressourcée aux belles vertus africaines de la réconciliation. C'est aujourd'hui cette nation conquérante, apaisée, démocratique et stable qui s'identifie avec l'œuvre colossale de son Madiba qui aura réussi, contrairement aux prédictions les plus pessimistes, la terrible gageure d'une transition pacifique. Face à ses juges, le célèbre prisonnier a lancé les bases de l'Afrique du Sud « Arc-en-ciel ». Lors de sa plaidoirie de 4 heures, prononcée le 20 avril 1964 et censuré trois décennies durant par le gouvernement minoritaire blanc des Afrikaners, Mandela a émis le verdict final. « J'ai dédié ma vie à la lutte pour le peuple africain. J'ai combattu la domination blanche et j'ai combattu la domination noire. J'ai chéri l'idéal d'une société démocratique et libre dans laquelle vivraient tous, dans l'harmonie, avec d'égales opportunités. C'est un idéal que j'espère atteindre et pour lequel j'espère vivre. Mais, si besoin est, c'est un idéal pour lequel je suis prêt à mourir », lançait-il à ses tortionnaires. A « l'école des Blancs » de la forteresse Robben Island, il a puisé dans la culture (Tchaïkovski, Shakespeare) et le vécu historique de « l'ennemi » dont il a appris la langue afrikaans pour qu'un jour, disaient-il, « tous les peuples de notre pays, Afrikaners y compris, se comprennent pour vivre ensemble ». Car, le 10 mai 1994, le serment de l'icône, devenue président de la République, bannit la haine raciale et la violence. « Jamais, plus jamais, ce beau pays ne vivra l'oppression des uns par les autres. » L'« homme capital » a dompté la légende dans cette main tendue à son procureur afrikaner qui voulait le pendre, en 1964, la visite effectuée auprès de la veuve du Dr Verwoerd, considéré comme l'architecte de l'apartheid, et, last but not least, l'instauration de la commission Vérité et justice contre l'avis de ses compagnons de combat. Cet « homme capital » a marqué de son empreinte indélébile son siècle. « Il a éclairé le monde », a déclaré le secrétaire général de l'ONU, M. Ban Ki-moon. « Ce plus grand de tous les baobabs a planté des racines qui ont poussé partout sur la planète », a-t-il reconnu. Son vieil ami, Andrew Mlangeni, se dit fier d'avoir « le privilège et l'honneur de voir mon cœur, mon âme et ma vie touchés par Mandela ». Pour mieux affirmer sa grande modestie, le porte-parole de la famille, le général Thanduxolo Mandela, est « sûr que Mandela doit sourire là haut ». A l'unisson, les Sud-Africains vibraient au rythme « Toyi Toyi » - danse locale - en hommage au grand homme « qui ne dort pas, mais est à genoux », comme l'entonnait un refrain heureux, pour signifier qu'il est toujours présent dans les esprits. « Siyabonga Mandela » (merci Mandela), disaient-ils simplement.