Ils sont tous là. De celui qui est considéré comme le plus grand homme de ce monde au plus modeste qui se bat quotidiennement pour préserver sa dignité. Ils sont venus à Soweto rendre hommage à l'icône planétaire, le «géant de l'histoire», Nelson Mandela, décédé jeudi dernier à l'âge de 95 ans. Dans une ambiance festive, des dizaines de milliers de Sud-Africains et le parterre sans précédent de grands dirigeants du monde ont rendu un dernier adieu digne de ce géant du XXe siècle, qui a su réconcilier Noirs et Blancs après des décennies de ségrégation raciale. C'est dans l'immense stade Soccer City de Soweto près de Johannesburg, où Nelson Mandela avait fait sa dernière apparition publique lors de la finale de la Coupe du Monde de football en 2010, que s'est tenue la cérémonie d'adieu, sous une pluie battante. Plusieurs heures avant l'ouverture officielle, la foule a dansé et chanté sur le rythme des anciens hymnes de la lutte contre l'apartheid. A onze heure, l'hymne sud-africain a retenti annonçant le début officiel de la cérémonie d'hommage. Après des prières interconfessionnelles, le premier à rendre hommage à Madiba a été son ami de geôle, Andrew Mlangeni. Le co-détenu de Mandela sur l'île-bagne de Robben Island sous l'apartheid a dit «j'ai eu le privilège et l'honneur de voir mon coeur, mon âme et ma vie touchés par Mandela». «Je suis sûr que Mandela doit sourire là-haut» en regardant cette assemblée, a renchéri le porte-parole de la famille Mandela, le général Thanduxolo Mandela qui a succédé à Andrew Mlangeni. Dans son éloge funèbre, le Secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a déclaré «l'Afrique du Sud a perdu un père. Le monde a perdu un ami cher et un mentor». «Ce plus grand de tous les baobabs a planté des racines qui ont poussé partout sur la planète», a-t-il poursuivi, «Nelson Mandela nous a montré la voie avec un coeur plus grand que ce stade et un sourire contagieux qui aurait pu en allumer les lumières. En fait, il a éclairé le monde». Même dans la mort, Nelson Mandela a réussi à «unir» des dirigeants aux opinions différentes, a encore souligné le Secrétaire général de l'ONU. Il ne croyait pas si bien dire puisque juste avant de monter à la tribune pour présenter son hommage au Prix Nobel de la Paix, le président américain Barack Obama, inspiré peut-être par l'œuvre du géant, a offert une poignée de main historique à son homologue cubain Raul Castro. Longuement acclamé par la foule, Obama a notamment déclaré : «Il est difficile de faire l'éloge d'un homme...encore plus difficile de faire celle d'un géant de l'Histoire, qui a conduit une nation vers la justice.» «Il n'y a personne comme Madiba, il était unique» a dit, de son côté, le président sud-africain, Jacob Zuma. Cette phrase est la traduction du xhosa «Ake Kho o fana naje», titre d'une chanson de la lutte contre l'apartheid. Cette chanson «est l'une des meilleures descriptions de notre icône mondiale», selon M. Zuma. La Brésilienne Dilma Rousseff, le vice-président chinois Li Yuanchao, le président namibien Hifikepunye Pohamba, l'Indien Pranab Mukherjee ou encore le Cubain Raúl Castro, ont tous présenté leur hommage au père de la nation sud-africaine. Il faut dire qu'une centaine de chefs d'Etat et de gouvernement se trouvaient dans les tribunes du stade de Soweto et que pendant plus de trois heures, famille, amis, personnalités se sont succédés au micro, qui pour raconter une anecdote, qui pour dire son admiration. C'est l'ancien archevêque sud-africain et Prix Nobel de la paix qui a clôturé la cérémonie du héros du combat anti-apartheid. L'Anglican Desmond Tutu a rendu un hommage à son ami Nelson Mandela avant de prier dans plusieurs langues sud-africaines. Entre les éloges, des chants rythmaient la célébration. Baleka Mbete, coordinatrice du parti de l'ANC a notamment fait chanter le stade sur l'air de «Tata Madiba» et de «Ake Kho a fana naje». Aujourd'hui et pendant trois jours, la dépouille du héros Mandela sera exposée au siège du gouvernement à Pretoria, des processions étant prévues chaque matin dans les rues de la capitale. Elle sera transférée samedi prochain vers le petit village de Qunu, dans le sud-est rural du pays, la terre des ancêtres xhosas de Mandela. C'est là qu'il sera enterré le lendemain aux côtés de ses parents et de trois de ses enfants, lors d'une cérémonie traditionnelle. L'Afrique du Sud... L'humanité entière a perdu un père, un géant. Reste à savoir ce qu'elle fera de son héritage. H. Y.