• En plus des jeûneurs originaires de l'intérieur du pays, des familles d'Alger déjeunent dans ce restaurant, faute de moyens financiers. A l'instar des autres régions du pays profond, la solidarité se manifeste dans la capitale en ce mois béni sous toutes ses formes. La plus répandue reste, toutefois, l'ouverture de resto de la rahma à travers beaucoup de municipalités et de quartiers d'Alger au profit des nécessiteux. Dans cet esprit d'entraide propre au peuple algérien, l'APC d'El Biar ouvre, chaque année en pareille période, un restaurant du cœur à l'ex-église, sise place Kennedy, en vue de permettre à tous ceux qui sont dans le besoin de passer le mois de jeûne dans la convivialité, même si la chaleur familiale n'a pas d'égale en pareille circonstance. Une virée nous a permis de prendre part à un f'tour avec des centaines de personnes dans ce havre de paix dans une ambiance bon enfant. Ici, solidarité et convivialité sont de mise. Soulignons d'abord la propreté de l'intérieur du resto. En effet, le parterre de salle qui sert de cuisine et la salle à manger sont tellement propres que l'on s'y mire. Les cuisiniers - dont trois femmes - et les trente-cinq bénévoles tiennent beaucoup à la propreté des lieux. Ils affirment ne pas badiner avec la santé des gens. A dix-huit heures, par petits groupes, les premiers jeûneurs arrivent. Et au moment où les passagers désertent peu à peu la rue principale de la ville, l'esplanade se remplit. Les jeûneurs, tous sexes et âges confondus, se saluent mutuellement et discutent de tout et de rien, histoire de passer le temps. Vers dix-huit heures trente, le premier responsable du restaurant, que tout le monde appelle affectueusement aâmi Abderahmane, invite les jeûneurs à s'organiser pour permettre aux bénévoles de bien les servir. Chose faite. Les jeûneurs sont issus de différentes couches sociales. Parmi eux, on peut, à leurs habits et discussions, reconnaître les fonctionnaires, les maçons et manœuvres, mais aussi, et surtout, les sans-domicile-fixe. UNE AMBIANCE FAMILIALE Ignorant tout clivage, ce beau monde vit en bonne synergie et forme une seule famille. Originaire de Chlef, Hamid est carreleur professionnel. Faute de poste d'emploi stable dans sa région natale, il a dû venir travailler à Alger pour subvenir aux besoins de sa famille nombreuse. Imberbe, ce jeune de vingt-cinq ans affirme que « ce restaurant offre toutes les commodités», avant d'ajouter que « je déjeune ici depuis le début du mois de ramadhan et je me sens en famille, en raison de l'ambiance conviviale qui règne dans ce resto». Fin observateur, Hamid souligne que les responsables et les jeunes bénévoles « nous réservent un accueil des plus chaleureux, nous faisant, parfois, oublier que nous sommes loin de nos propres familles». Comme lui, ils sont nombreux à travailler et à étudier dans la capitale et à déjeuner dans les restaurants de la rahma. A quelques minutes de la rupture du jeûne, une dizaine de manœuvres originaires de Grande Kabylie arrivent en toute hâte. Essoufflés d'avoir trop marché, ces derniers se sont fait servir par les bénévoles qui semblent les reconnaître. Avant de prendre leurs plats et rejoindre leurs places, ils s'échangent quelques amabilités. Par ailleurs, en plus des jeûneurs originaires de l'intérieur du pays, des familles d'Alger déjeunent dans ce restaurant, faute de moyens financiers. Le muezzin annonce la rupture du jeûne à dix-neuf heures vingt, et tout le monde mange à sa faim. A souligner qu'outre le dessert, constitué généralement de yaourt, les jeûneurs ont droit à un plat de salade, de la chorba et un plat de résistance. Notons que l'ensemble des bénévoles, dont la majorité sont des étudiants, fait un travail remarquable. D'ailleurs, ils ne déjeunent qu'après avoir servi tout le monde. Etudiante en sciences politiques et relations internationales, Hadjira travaille bénévolement dans ce restaurant depuis quelques années. C'est le premier responsable dudit restaurant qui l'a fait venir en lui expliquant que servir les autres est une action humanitaire. Depuis, elle ne cesse de venir en aide à autrui, à chaque fois que le temps le lui permet. « J'ai appris à aider les autres et m'occuper notamment des personnes âgées qui ne peuvent pas se servir. Cela m'a permis, surtout, de consacrer mon temps libre à autrui sans aucune contrepartie. Elle affirme que tout le monde ici est sur un pied d'égalité, nonobstant la différence de l'origine sociale des jeûneurs. Par ailleurs, le restaurant de la rahma d'El Biar sert quotidiennement pas moins de cinq-cent plats à consommer sur place et plus de quatre mille autres à emporter.