La campagne électorale pour le second tour, prévu le 19 septembre, peut commencer dans un climat de sérénité perdue depuis des lustres. Les deux candidats au second tour, l'ancien Premier ministre, Cellou Dalein Diallou, en favori et son challenger, l'opposant historique, Alpha Condé, ont conclu, à Ouagadougou, un «protocole d'entente» garantissant un bon déroulement de la consultation électorale et le respect du verdict des urnes. Dans le document validant « une élection apaisée », il est prescrit le rôle historique des acteurs politiques privilégiant l'unité nationale et la tenue des élections « libres, transparentes et démocratiques » garantes d'une « transition politique pacifique». A cet effet, un appel pressant à la retenue a été lancé tout aussi bien à leurs militants respectifs et à la presse nationale et internationale qu'aux forces de sécurité et défense appelés à veiller à la consolidation du processus démocratique.Le compromis de Ouagadougou a levé le verrou du changement constitutionnel introduit par le Premier ministre en poste. Il prévoyait, comme le revendiquait Alpha Condé et la coalition Arc-en-ciel regroupée autour du RGP (Rassemblement populaire de Guinée), l'intégration du ministère de l'Administration du territoire (MPAT) dans le processus de contrôle des élections pour assurer un fonctionnement équilibré de la Ceni (commission électorale nationale indépendante) accusée d'avantager le candidat rival Cellou Diallou de l'UDFG (Union des forces démocratiques). Le bras de fer autour de l'enjeu de la Ceni a alimenté les tensions et les querelles générées par les accusations réciproques sur les velléités de fraude et de manipulation du scrutin. Mais, la sortie de crise négociée a permis de dépasser les divergences d'appréciation en édictant un « code de bonne conduite » et les conditions d'une compétition voulue régulière et sereine. Dans cette campagne apaisée, lancée depuis hier, les deux candidats s'initient au jeu des alliances pour conforter les chances de victoire. Si, à l'examen des résultats du 1er tour, le favori en puissance, fort des 44% de voix, se réclame d'une victoire éclatante certaine, la bataille reste indécise. Pour le moment, les deux camps afflûtent leurs armes. Autour du vainqueur du Premier tour, Cellou Diallou, se constitue une alliance formée de l'UFR (Union des forces républicaines) de l'ancien Premier ministre Sidya Touré ( 3e au 1er tour et 13%) et du NGR (Nouvelle génération pour la république) d'Abbé Sulla (3% des suffrages). A l'opposé, l'outsider Alpha Condé (18,25%) qui espère tirer profit de la faiblesse du taux de participation relevé au 1er tour (1,8 million sur 4,2 millions d'électeurs enregistrés) ne désespère pas de renverser la tendance électorale. Outre la quinzaine de partis alliés, dont le RDR (Rassemblement pour la défense de la république) de Papa Koly Kourouma (5% au 1er tour), et le soutien des personnalités politiques (l'ancien Premier ministre François Fall, Kassory Fofan, Ousmane Kaba, l'adhésion spectaculaire de l'ennemi déclaré, en la personne de l'ancien Premier ministre Lansana Kouyaté (7e des voix et 4e au 1er tour) du Parti de l'espoir pour le développement national (PEDN), promet une bataille épique. Une « bipolarisation » ethnique dangereuse pour l'avenir de la Guinée, telle que redoutée par des hommes politiques influents ? Il semble toutefois que le compromis de Ouagadougou travaille à conjurer le mauvais sort pour réussir les premières élections libres, depuis l'accession à l'indépendance, et dessiner les contours d'une issue pacifique à la crise politique, économique et sociale. Tel est le véritable enjeu d'une transition heurtée et néanmoins porteuse d'espoir de stabilité et de paix civile.