Déjà accusé d'avoir tout fait pour retarder au maximum la tenue du second tour de la présidentielle après le 1er tour du 27 juin, sa volonté de changer les règles du jeu (....) laisse perplexes les Guinéens. Sa proposition de modifier la Constitution avant le second tour de la présidentielle du 19 septembre en Guinée, a entraîné une levée de boucliers contre Jean-Marie Doré, Premier ministre de transition d'un pays en train de vivre sa première véritable expérience démocratique. «Le Premier ministre perd la tête», «La folie de grandeur d'un Premier ministre en mal de publicité», il «a trahi le peuple de Guinée»: ce week-end, la presse guinéenne s'est déchaînée contre Jean-Marie Doré, 72 ans, qui avait été nommé en janvier pour mener à bien la transition jusqu'aux élections. Déjà accusé d'avoir tout fait pour retarder au maximum la tenue du second tour de la présidentielle après le 1er tour du 27 juin, sa volonté de changer les règles du jeu à ce moment précis du processus électoral laisse perplexe une majorité de Guinéens qui s'interrogent sur le but qu'il poursuit. Dans un projet de décret soumis au président de transition, le général Sékouba Konaté, Jean-Marie Doré propose de modifier la Constitution afin de réduire le rôle de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni). Il propose que l'organisation et la supervision du second tour se fassent «conjointement» avec le ministère de l'Administration du territoire et des Affaires politiques, une façon pour son gouvernement, à travers les préfets et sous-préfets de région, de pouvoir mieux contrôler le scrutin. «Nous demandons le départ de Jean-Marie Doré de la primature parce qu'il a perdu la raison. S'il a des intérêts autres que le bien de la nation, qu'il le dise», a déclaré Oussou Fofana, directeur de la campagne électorale de l'Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), le parti du favori au second tour, l'ancien Premier ministre Cellou Dalein Diallo. Pour Fatou Baldé, de la société civile, «il faut que le Pre-mier ministre sache qu'il ne peut ni faire modifier la Constitution ni le Code électoral. S'il faut modifier le Code électoral qui émane de la Constitution, il faut donc revoir une bonne partie de cette Constitution». «On ne doit pas faire n'importe quoi pour faire plaisir à des intérêts égoïstes et sectaires», affirme-t-elle. Cellou Dalein Diallo qui a obtenu 43,69% au premier tour, sera opposé le 19 septembre à l'opposant historique Alpha Condé (18,25%), l'un des rares à ne pas avoir critiqué la proposition du Premier ministre. «Il faut qu'on organise des élections transparentes en Guinée et la Ceni, seule, ne peut pas le faire. Elle a montré ses limites avec le premier tour», affirme Hadja Saran Daraba, de la Convention démocratique panafricaine (CDP) alliée au Rassemblement du peuple guinéen (RPG) d'Alpha Condé. Ce dernier avait dénoncé une «fraude gigantesque» lors du premier tour et accusé la Ceni d'en être à l'origine. Alpha Condé a prévenu qu'il n'accepterait pas qu'au deuxième tour, on lui «vole» sa victoire. La Commission électorale a reconnu des «insuffisances» dues à son inexpérience mais elle estime avoir bien fait son travail dans l'ensemble au premier tour et se prépare pour le second afin d'éviter toute contestation. L'élection présidentielle est le premier scrutin libre jamais organisé en Guinée, ex-colonie française qui, depuis son indépendance en 1958, n'a connu que des régimes dictatoriaux, civils ou militaires. «La Guinée est en train d'avancer, ce n'est pas Jean-Marie Doré qu'on a nommé pour assurer une transition qui va nous mettre des bâtons dans les roues», affirme Facinet Camara, chef d'entreprise. «Qu'il sache que personne ne peut plus prendre le pays en otage, le peuple est vigilant».