Politologue et docteur en sociologie, elle a débattu, au cours d'une conférence-débat avec le public, sur le thème de son ouvrage « Les Algériennes contre le code de la famille », édité en France, basé sur sa thèse de doctorat. La conférencière a tenu, tout d'abord, à rendre hommage à Nabila Djahnine, féministe bougiote, assassinée en 1995 à l'âge de trente ans, qui avait fondé l'association « Tighri n'tmetouth » (Cri de femme). Elle expliqua ensuite que son ouvrage a pour objectif de combler les lacunes de l'histoire du combat des femmes algériennes pour conquérir leurs droits et la situer dans le contexte plus global de la revendication démocratique, en se basant sur le corpus des publications qui circulaient clandestinement à l'époque. Elle considère que l'héroïsation des femmes qui ont participé à la lutte de libération nationale a, en fait, servi à masquer la situation de la femme algérienne en général et que le discours dominant laissait comprendre que les droits reconnus aux femmes émanaient non pas du fait qu'elles étaient des êtres humains, mais de par leur participation au combat libérateur. Au demeurant, le statut des femmes, tel qu'il découlait des dispositions du code de la famille, promulgué en 1984, échappe à cette affirmation d'égalité, selon l'auteure. A travers ce code, estime-t-elle, l'Etat va en fait renforcer les règles traditionnelles et tous les stéréotypes du genre, ajoutant que cette remarque était valable pour tous les pays d'Islam où la chariaâ constitue le référent du droit. Coup de frein et essoufflement C'est dans cette situation que des groupes féministes vont se constituer, notamment dans les universités, et se mobiliser pour faire passer une demande implicite d'égalité à une revendication politique clairement affirmée. F. Lalami rappela que les opposants à ce mouvement féministe accusaient ses animateurs d'être de pâles copies des Occidentales, balayant toutefois ces critiques en faisant remarquer que les anthropologues ont relevé que contes, poésie, proverbes et autres formes d'expression véhiculaient, à travers les âges, la résistance et la lutte des femmes algériennes contre la condition qui leur était faite par la société. Conséquemment, elle estime que les féministes ne faisaient que continuer le combat en adoptant des formes d'expression plus modernes. La conférencière reconnaît que les partis du mouvement national n'avaient pas occulté la question des droits des femmes, mais qu'à l'indépendance cette promesse n'a pas été tenue, citant en exemple la difficulté qu'avaient ces femmes pour accéder à l'éducation et rappelant qu'elles n'avaient pas attendu l'ouverture des réformes de 1989 pour militer, hors des organisations de masse, contre le projet de figer dans la loi des dispositions qui occultent leurs droits. La décennie 90, estime-t-elle, va toutefois donner un coup de frein à cet élan et décimer les associations féministes, tout en relevant que de petites avancées étaient enregistrées, comme la signature par l'Algérie d'une convention internationale pour éliminer les discriminations envers les femmes, ou la pénalisation, en 2004, du harcèlement sexuel. En conclusion, F. Lalami énumère les enseignements qu'elle tire de son étude, à savoir que la lutte des femmes a montré que les problèmes familiaux qu'on présente comme appartenant à la sphère privée se révèlent être des problèmes politiques, que l'objectif des féministes est non pas de « ressembler aux hommes » mais de réduire les injustices et, enfin, que si les demandes démocratiques aboutissent souvent à la chute des régimes autoritaires, à l'image des printemps arabes, la démocratie est loin d'être acquise et que la lutte doit continuer encore pour arracher d'autres pans de liberté. Le débat, très animé au demeurant, a focalisé sur l'essoufflement du mouvement féministe international comme conséquence de la crise économique, l'émergence des Femen, le retrait actuel du mouvement algérien par rapport aux voisins maghrébins, la violence dans le milieu familial qui se révèle plus hostile que la rue et qui accapare le travail des associations, la nécessité de changer la loi et, surtout, les mentalités à propos desquelles la conférencière estime qu'il n'y a pas eu régression en Algérie en arguant des statistiques sur l'emploi féminin, en expansion, même si l'économie nationale n'est pas très productive en matière de postes de travail.