Abrogation du code de la famille, suppression du tuteur matrimonial (wali), interdiction de la polygamie, accès à un divorce plus équitable, légalisation de l'adoption, égalité devant l'héritage, protection des femmes contre les harcèlements moral et sexuel, autant de combats menés par les Algériennes depuis des décennies. Quelques acquis arrachés depuis l'indépendance ? Quels sont les modèles pour cette lutte qui se poursuit ? Des questions auxquelles a tenté de répondre Feriel Lalami, docteur en sociologie, chercheure au Gresco (université de Poitiers). «Les luttes publiques, les protestations et l'organisation du combat des femmes pour leurs droits en Algérie, qui ont eu lieu à partir des années 1970 jusqu'en 1990, ont été cruciales et ont imposé des principes de fonctionnement et des modes opératoires qui restent valables encore aujourd'hui», a-t-elle souligné samedi dernier, au dernier jour du colloque international organisé par El Watan à la salle Cosmos de Riadh El Feth, où elle a pris la parole pour retracer le parcours historique de la lutte des femmes algériennes pour l'égalité. «La fin du système colonial a apporté beaucoup d'espoir, notamment pour l'émancipation des femmes, mais le mouvement des femmes s'est vite fondu dans les idéaux de la libération du joug colonial», a souligné d'emblée l'intervenante, avant de mettre en exergue l'idée de «malentendu» qui aurait, selon elle, marqué la représentation de la problématique des femmes dans beaucoup d'esprits. Dans le cadre de la séance consacrée aux spécificités de la société algérienne du colloque, Feriel Lalami s'est attardée sur les origines du malentendu qui a nourri le combat des Algériennes mais aussi sur la difficulté du régime algérien à légiférer sur la question des femmes. Corriger le malentendu «Durant la lutte de libération nationale, le statut des femmes était également un enjeu majeur puisque le colonisateur dévalorisait la société algérienne notamment à travers le statut de la femme algérienne marqué à cette époque par les mariages forcés, les réclusions et bien d'autres pratiques dévalorisantes», précise Feriel Lalami. Evoquant le mythe de l'émancipation des femmes par le colon, qui s'est développé à cette époque, elle relève néanmoins que «la persistance de ce mythe ne résiste pas à la réalité historique. En vérité, aucune tentative d'assimilation de la femme algérienne n'a été initiée». A ce premier malentendu s'est ajouté le déni d'un quelconque besoin d'émancipation pour la femme algérienne après l'indépendance. La conférencière a cité, pour en témoigner, des articles parus dans El Moudjahid en 1958 affirmant que la femme algérienne n'avait pas besoin de mener de combat puisque sa pleine «dignité» s'imposait par sa participation au mouvement nationaliste. Elle citera également le défunt président Boumediène qui, quelques années après l'indépendance, déclarait que «la question des femmes était résolue». Mais le mouvement féministe algérien a contré le discours officiel qui a, durant de longues années, considéré le problème des femmes comme un «faux problème» et s'est structuré jusqu'à aboutir à l'amendement du code de la famille en 1984. «Le combat de la femme algérienne a également souffert de la question des priorités données aux problèmes du chômage ou de l'alphabétisation, au lendemain de l'indépendance, qui n'ont eu de cesse de faire de l'ombre aux droits de la femme», souligne Feriel Lalami. La lutte se poursuit encore et «les caractéristiques du combat des Algériennes, aujourd'hui, trouvent toutes leurs sources dans la période cruciale des années 1970-1990», précise-t-elle. En conclusion, l'intervenante posera la précieuse question de la démocratisation de la société qui a toujours accompagné la lutte pour le droit des femmes algériennes : «Le jeu des élections, aussi transparentes soient-elles, ne suffit pas quand on n'ose pas se dresser contre l'autoritarisme.»