Les médecines antiques utilisaient déjà le miel mais il aura fallu attendre jusqu'à aujourd'hui pour identifier la défensine comme le facteur antibiotique du miel. Depuis plus de trente ans, aucun antibiotique nouveau n'a été découvert et, devant ce qu'on peut appeler une surconsommation, les bactéries deviennent progressivement résistantes. La découverte de nouvelles molécules semble donc un enjeu important. Alors pourquoi ne pas s'intéresser au miel ? Produit à partir du nectar des fleurs par les abeilles, il possède en effet des propriétés curatives reconnues depuis l'Antiquité. Les Grecs et les Romains l'utilisaient déjà pour soigner des blessures ou des problèmes digestifs. Des recherches plus contemporaines ont montré que le miel possède effectivement des propriétés antibiotiques mais le mécanisme restait encore mystérieux. Aujourd'hui, une équipe néerlandaise a enfin réussi à identifier les composants du miel impliqués dans cet effet nocif contre les bactéries. Les travaux menés par ces chercheurs ont été publiés très récemment dans le journal FASEB. Ils ont testé l'effet du miel sur différentes espèces de bactéries, choisies d'une part pour leurs effets pathogènes sur l'homme, et d'autre part pour leur résistance aux antibiotiques. Ainsi, toutes les espèces testées, incluant des bactéries impliquées dans des intoxications alimentaires, comme Bacillus subtilis ou Escherichia coli résistante à plusieurs antibiotiques, ou dans des infections nosocomiales, comme Staphylococcus aureus (staphylocoque doré) résistante à la méticilline, Pseudomonas aeruginosa résistante à la ciprofloxacine et Enterococcus faecium résistante à la vancomycine ont toutes été tuées par seulement 10 à 20% de miel (1 ou 2 millilitres de miel dans 10 millilitres de bactéries), ou par 40% de sucre extrait du miel. Ce premier test indique que l'antibiotique contenu dans le miel est efficace sur beaucoup de souches bactériennes, même déjà résistantes. LA DÉFENSINE EN PREMIÈRE LIGNE Les chercheurs ont ensuite mis au point un système pour éliminer au fur et à mesure différents composants du miel afin de déterminer plus précisément le ou les facteurs responsables de l'activité antimicrobienne. Ainsi, la neutralisation du peroxyde d'hydrogène et du méthylglyoxal ne diminue que très peu les propriétés antibactériennes du miel, alors que l'élimination de la protéine nommée défensine réduit l'action presque totalement. C'est donc cette défensine qui est responsable de l'action antibactérienne du miel. Les défensines sont des protéines retrouvées à la fois chez les invertébrés, comme les insectes, et chez les vertébrés. Chez l'homme, elles sont impliquées dans la défense immunitaire et sont essentielles. Leur mauvais fonctionnement conduit à des maladies chroniques, comme la maladie de Crohn par exemple. Chez les abeilles, les défensines sécrétées se retrouvent donc dans le miel, où elles conservent leurs propriétés immunitaires. Ces travaux permettent donc d'envisager le développement de nouveaux antibactériens à base de défensine, molécule qui semble toujours efficace malgré la consommation de miel depuis des millénaires. Ce n'est pas pour autant qu'il faille changer nos bonnes habitudes en ce qui concerne les antibiotiques : ils ne sont toujours pas automatiques. Comme tous les autres antimicrobiens, la défensine trop fréquemment utilisée deviendra certainement, elle-aussi, de moins en moins efficace.