Dans l'un des pays les ouverts de l'Union européenne et réputé jusqu'ici pour sa tolérance, terre d'asile pour les réfugiés de guerre (Balkans et Irak) et les populations immigrées (14% contre 12,4% pour l'UE), le séisme a été fortement ressenti. L'image idyllique de la Suède a pris un sale coup dans un délitement des valeurs fondamentales. La presse suédoise n'en revenait pas du revirement électoral. «Nous sommes lundi matin et le moment est venu pour les Suédois de se trouver une nouvelle image», commente amèrement l'éditorialiste du Svenska Dagbladet. Le pessimisme prévaut grandement dans les colonnes de la désillusion qui annoncent «des moments difficiles.» Mais comme l'atteste sans équivoque le tabloïd Expressen (droite), «l'étendard de la tolérance a été baissé et les forces obscures ont fini par prendre également la démocratie en otage.» Dans les législatives de toutes les incertitudes, le verdict sentencieux est tombé. Il annonce un grand chamboulement provoqué par la perte de la majorité absolue par la coalition du centre droit, dirigée par le Premier ministre Frederick Reinfeldt (172 sièges sur les 349 que comptent le Parlement, 49,2%), la confirmation du déclin des socialistes intégrés dans le bloc de gauche et, surtout, l'entrée en scène pour la première fois de l'extrême-droite (20 sièges, 5,7%). Si le jeu des alliances impose inéluctablement le nécessaire virage à gauche, favorable aux Verts plus sollicités, la percée de l'extrême-droite le conforte dans un rôle d'arbitre dénié par la coalition au pouvoir et l'opposition démocrate. La «fin d'époque» porte les caractéristiques des bouleversements connus en Europe submergés par la montée en puissance de l'extrême-droite qui pèse de plus en plus sur l'équilibre institutionnel. En Italie, la Ligue du Nord, xénophobe et populiste, siége dans le gouvernement de Silvio Berlusconi. Elle est également présente dans les Parlements du Danemark, d'Autriche, de Slovaquie, de Lettonie et de Bulgarie. Aux européennes de juin 2009, l'extrême-droite a réalisé dans 7 pays de l'UE (Pays-Bas, Belgique, Danemark, Hongrie, Autriche, Belgique et Italie) et une progression comprise entre 5 et 10% dans 6 autres (Finlande, Roumanie, Grèce, France, Grande-Bretagne et Slovaquie.) Elle s'impose de fait comme «une force politique significative», selon la spécialiste Magali Balent de la fondation Robert-Schuman. La marée brune qui s'accommode désormais du syndrome autrichien, assimilé en 2000 à une menace contre les valeurs fondamentales de l'UE, s'installe dans la maison commune de l'UE en mal de xénophobie et de racisme intra-muros : la chasse aux Roms pour lesquels 4 pays (Belgique, Italie, Grèce et France) ont été déjà condamnés depuis 2004 par le Conseil des droits de l'homme, alors que la Belgique est poursuivie par la FIDH (Fédération internationale des droits de l'homme) devant le conseil de l'UE. Si la crise économique et sociale incite au repli identitaire et à la stigmatisation des couches issues de l'immigration présentées en bouc émissaire rêvé, la quête du pouvoir favorise une instrumentalisation du fléau ravageur à des fins purement électoralistes. En France, la lepénisation prônée par Sarkozy, en transhumance continue dans le fief du Front national conforté dans ses thèses racistes et xénophobes, est une dérive porteuse de périls sur l'équilibre de la société et les fondements de la République. Le loup est dans la bergerie.