L'Ukraine continue de diviser les Occidentaux et la Russie. Les deux ont des approches diamétralement différentes. La décision de la Crimée d'organiser, le 16 mars prochain, un référendum sur un rattachement à la Russie, synonyme de partition de l'Ukraine, a accentué les tensions. Les citoyens de cette région majoritairement de russophones (58%) devront répondre à deux questions : « Soutenez-vous le rattachement de la Crimée à la Fédération de Russie en tant que sujet fédéral ? » et « Soutenez-vous le rétablissement de la Constitution de la Crimée de 1992 ? ». Comme pour « narguer » les Occidentaux, les députés russes annoncent qu'ils voteront « oui » à l'intégration de cette péninsule. « Nous accueillerons la Crimée à bras ouverts et sur un pied d'égalité avec les autres régions du pays si jamais les habitants de la péninsule votent en faveur de leur sécession de l'Ukraine au profit d'un regroupement avec la Russie », assure Valentina Matvienko, la présidente de la Chambre haute du Parlement. « Nous soutiendrons le choix libre et démocratique de la population de Crimée », ajoute, lors d'une rencontre à Moscou avec une délégation de parlementaires de Crimée, Sergueï Narychkine, le président de la Douma (chambre basse). Olexandre Tourtchinov, le président ukrainien par intérim, fustige ce référendum, qu'il qualifie de « crime contre l'Ukraine commis par les militaires russes ». Kiev rappelle que cette décision est contraire à la Constitution ukrainienne et annonce une procédure de dissolution du Parlement de Crimée. « Toute discussion sur l'avenir de l'Ukraine doit inclure son gouvernement légitime », martèle Barack Obama. « L'époque où les frontières pouvaient être redéfinies en méprisant les dirigeants démocratiquement élus est révolue » dit-il. Pour le patron de la Maison Blanche, la sortie de crise passe par le retour des troupes russes dans leurs baraquements en Crimée, le déploiement d'observateurs internationaux et des discussions directes entre Moscou et Kiev. Comme pour faire fléchir Vladimir Poutine, son homologue russe, il ordonne des sanctions contre les personnes jugées responsables de l'intervention militaire russe en Ukraine et annonce que le projet de référendum en Crimée est nul et non avenu. « Il constitue une violation de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de l'Ukraine », dit-il. Jeudi, les dirigeants des 28 pays membres de l'Union européenne, réunis en conseil extraordinaire à Bruxelles, ont décidé de suspendre les discussions avec la Russie sur un projet d'accord bilatéral de libéralisation des investissements et des visas et signer les volets politiques de l'accord d'association avec Kiev avant les élections du 25 mai. Selon Herman Van Rompuy, le président du Conseil européen, d'autres sanctions pourraient suivre si Moscou ne joue pas la carte de l'apaisement « dans les tout prochains jours ». « Toute initiative russe dans l'est de l'Ukraine pourrait être un facteur déclencheur de nouvelles mesures », préviennent Américains et Européens. Toutefois, ils consentent à assurer aux russes qu'ils pourraient conserver leurs bases militaires en Crimée. « A condition qu'ils honorent les accords qu'ils ont conclus et respectent la souveraineté et l'intégrité territoriale de l'Ukraine », précisent-ils. Moscou sort une de ses cartes. Gazprom menace d'interrompre ses exportations de gaz en Ukraine en raison d'impayés (deux milliards de dollars). Comme ce fut le cas lors de la crise du début 2009, lorsque des coupures avaient perturbé l'approvisionnement de plusieurs pays européens.