Le courant islamique gagne de plus en plus de terrain dans la société égyptienne. Avec une majorité de 80 % de voilées, les services adressés à cette catégorie poussent comme des champignons malgré les divergences. Un, deux, trois, répète le professeur de gymnastique en faisant des cadences avec la voix pour permettre à ses clientes de suivre l'enchaînement, puisque la musique est considérée comme illicite dans le milieu islamique. «Cette salle de gymnastique donne la chance aux femmes voilées de pratiquer le sport car les fondements religieux y sont respectés», dit le directeur du centre. A première vue, l'endroit, situé au quartier de Madinet Nasr, ne porte aucun signe ostentatoire : un nom anglais, une porte peinte en rose et un décor moderne ressemblant à d'autres endroits. Mais en franchissant le seuil, on constate la différence. A l'entrée, et précisément sur le comptoir, sont exposées des jarres de miel que l'on cède contre de l'argent pour les femmes qui s'intéressent à la médecine religieuse et ses recettes. L'étage supérieur, très spacieux, est doté de machines de musculation. Des prières affichées sur les murs donnent des conseils pour aller au Paradis. Contrairement aux autres salles de gymnastique où l'on peut entendre la musique et les voix des clientes en train de papoter ou de rire, ici, c'est le silence qui règne, mis à part de légers chuchotements, des femmes qui égrènent leurs chapelets, ou la voix du professeur de gym qui répète un, deux, trois pour marquer la cadence. Et donc, il n'est pas rare de voir des femmes en niqab se diriger vers cette salle. Safaa, jeune médecin issue de la classe moyenne, s'y rend deux ou trois fois par semaine. Elle qui pensait ne plus jamais pratiquer de sport en portant ce niqab. «Je le porte depuis un an et pour moi, il était hors de question de fréquenter une des salles de gymnastique dans lesquelles on pratique le sport aux rythmes de la musique tout en scrutant des écrans de télé qui diffusent des chansons ou des films. Lorsque ma voisine m'a parlé de cette salle qui respecte les règles de la religion, je n'ai pas hésité à m'y inscrire et je suis satisfaite», explique Safaa. Elle se sent tout à fait à l'aise en short et t-shirt moulant tout en gardant son chapelet à la main. Elle est seulement gênée en voyant les femmes pénétrer dans le sauna en maillot de bain même si elles cachent leurs corps avec une serviette. «Mieux vaut annuler le sauna», propose Safaa. Pourtant, la présence d'un grand nombre de femmes portant le niqab n'empêche pas les femmes en hidjab ou même les non-voilées de fréquenter régulièrement la salle. Celles-ci ne sont pas toutes d'accord sur les règles imposées, mais c'est pour d'autres raisons qu'elles se rendent dans cette salle de gym. Menna, 27 ans, trouve l'endroit bien aménagé car on y trouve tous les appareils nécessaires pour faire de la musculation ou pour maigrir. De plus, cette salle est située dans le quartier. «Je trouve un peu exagéré d'interdire la musique, un élément indispensable pour faire bouger le corps et sentir un peu d'allégresse», dit Menna. En fait, il y a une dizaine d'années, il n'y avait pas autant de salles de gym, elles étaient limitées aux clubs sociaux, et la plupart de ces salles étaient ouvertes aux deux sexes. Avec le temps, la culture du sport s'est développée. Dans les quartiers de la capitale, plusieurs salles ont ouvert leurs portes et le nombre est en recrudescence. Cependant, avec la tendance islamique qui s'impose de plus en plus dans la société, quelques salles ont ouvert leurs portes pour attirer les clientes voilées ou simplement parce que les propriétaires de ces salles, devenus eux-mêmes de fervents musulmans, ont voulu que l'activité sportive soit pratiquée sans commettre de péchés. Et c'est le cas de cette salle qui était réservée auparavant aux hommes, et à laquelle on a annexé une autre salle pour les femmes. «Le principe est de séparer les hommes des femmes afin de respecter l'esprit religieux qui prédomine dans notre société. Le sport est un élément important pour notre bien-être et beaucoup de femmes ne peuvent pas le pratiquer car elles ont peur de transgresser les règles de la religion, alors on a décidé de leur offrir cette chance», conclut le directeur de la salle.