Du rêve au cauchemar. Si le désir de réaliser l'espoir de se « couvrir » d'un toit dure souvent des années et vous coûte les économies d'une vie et la couleur de vos cheveux, la détérioration et la délabration de ce « refuge » peuvent intervenir l'année même de sa livraison. Malheureusement, ce constat de désolation qu'offrent les cités de relogement est, en réalité, livré avec les clefs et l'acte de propriété. L'architecture est lugubre, repoussante et ne diffère du bidonville que par sa conception en matériaux dits en « dur ». On est alors passé du bidonville au bétonville. La règle de mise du « quand le bâtiment va, tout va » perd, dès lors, toute sa signification face à cette urbanisation sauvage. On patauge dans le concept de recasement. Ce mal profond a été relevé par le président de la République qui a plaidé pour l'amélioration des performances architecturales pour réaliser des cités ou des villes vivables et durables. Pour des conditions décentes et un bien-être social où la modernité côtoie l'authenticité, où les valeurs universelles se mêlent aux constantes qui sous-tendent notre culture et notre histoire, dans toute leur splendeur. Sur le terrain, l'extension des villes ne répond pas jusqu'à maintenant et même dans les schémas architecturaux des futurs projets, aux spécificités et caractéristiques des régions où le réflexe urbanistique du « casage collectif » se reflète encore sur les plans de construction se chiffrant en milliards de dollars, si l'on affiche l'ardoise des trente dernières années. Un gaspillage pour réaliser la...laideur des faubourgs. Et si le président de la République, dans son message, s'offusque presque par son ton en appelant les architectes et urbanistes à assumer, pleinement, leur rôle pour corriger l'image urbaine déplorable qui ternit aussi bien nos villes que nos villages, c'est que le paysage est peu reluisant, voire détestable, si l'on se mettait à la place des milliers de familles algériennes qui vivent dans ces sites de recasement, amochant et défigurant l'une des plus féeriques façades maritimes du monde. Le risque est irréversible. Nombre de villes se sont vu pousser des tentacules qui les étouffent, jusqu'au déphasage du plus chevronné de nos sociologues. « Médiocrité et platitude », relève-t-on dans la lettre du président de la République. Cela dénote le bricolage dans un secteur aussi névralgique que celui de la construction. Et, par conséquent, la politique du règlement du problème épineux du logement à court, moyen et long terme, surtout que l'évènement (l'alerte du Président), à l'occasion de la cérémonie de remise du Prix national d'architecture et d'urbanisme, a coïncidé avec l'annonce par l'ONS du résultat du recensement de la population algérienne (1er janvier 2014) qui s'élève à 38 millions et 700.000 âmes. En 2015, nous serons 29,7 millions. Effrayant, si l'on continuait dans cette frénésie anarchique et sans goût dans le bétonnage des terres qui se font déjà rares face à la démographie galopante (1 million environ par an) et dont la majorité se fixe l'objectif de s'établir sur la bande côtière et les plateaux — aujourd'hui, 50% de la population mondiale vit dans les villes. En 2030, le rush passera à 60, voire 70%. En Algérie, les grandes agglomérations suffoquent depuis les années 80. Certaines sont carrément engorgées suite à la décennie « rouge ». C'est l'explosion urbaine. Mais dans une atmosphère de rurbanisation, comme constaté par les défunts Lachref et Boukhobza. Après trois ou quatre ans de leur réception, les cités renvoient l'image de lendemains de massacres ou de catastrophes naturelles où règnent le désordre, l'insalubrité, les fléaux sociaux et, depuis quelque temps, la violence et le banditisme qui rythment les journées et les nuits des habitants. C'est dire la pensée urbanistique approximative, voire déglinguée, de l'implantation de ces cités censées redonner le goût de vivre aux Algériens mal logés. « Nous étions dans les bidonvilles, nous sommes dans des bétonvilles », se lamentent des locataires à Aïn Melha, Birtouta et... Mendjeli à Constantine. Les exemples sont légion où tout manque pour une vie décente. C'est là, sans le signifier dans le détail, le bricolage de l'immobilier de l'entassement que dénonce le président de la République. Le temps de réelles « assises de la construction et de l'urbanisme » a sonné et aurait pour thème « n'amochez pas l'Algérie ». Car on ne s'improvise pas promoteur immobilier, architecte ou urbaniste par un CV (curriculum vitae) au volant d'une 404 bâchée pour obtenir l'agrément de construire l'Algérie où vivront les Algériens. La débâcle a duré. En trop.