La journée commémorative du 11e anniversaire de la chute de Bagdad lors de l'invasion américaine de mars 2003, qui a mis fin au régime de Saddam Hussein, a été particulièrement sanglante dans ce qui fut le « modèle » de liberté et de démocratie vanté par les promoteurs et les adeptes du Grand Moyen-Orient. Dans le quartier symbolique d'El Qadhimya et en plusieurs autres tout aussi sensibles de la capitale, comme le fief chiite de Sadr City, la violence a durement sévi. Six attentats à la voiture piégée ont provoqué, hier, la mort de 7 personnes et fait 30 blessés. La main vengeresse de l'EIIL (Etat islamique en Irak et au Levant), trônant sur les sanctuaires de Felloujah (60 km à l'Ouest de Baghdad) et des poches de la sunnite Al Anbar, impose une guerre aux portes de Baghdad pour tenter d'alléger le siège de Felloujah, frontalière de la Syrie. Aux prises depuis une semaine avec les forces de sécurité irakiennes dans les villages de Zoba et Zeidan, près d'Abou Ghraib, situé à une vingtaine de kilomètres de la capitale, ces « insurgés » ont lancé une attaque contre la base militaire de Youssoufia. Le défi de l'EIIL est réel. Il se traduit, comme l'a déclaré, lors d'une conférence de presse à Baghdad, le responsable de la commission électorale indépendante, Mokdad Al-Sharifi, par l'annonce de l'annulation du scrutin dans la province d'Al Anbar, notamment dans les localités de Ramadi et Felloujah, et le déplacement en « zones sûres » des familles dans les 12 à 14 provinces du pays pour leur permettre de voter dans les 13 bureaux sécurisés. Mais, il n'est nullement question d'un report des législatives, catégoriquement rejeté par le Premier ministre Nouri El Maliki partant pour un 3e mandat dans le rôle de favori en puissance. Dans cette élection, la première du genre depuis le retrait américain, l'entrée en lice de 9.040 candidats pour les 328 sièges façonne le paysage politique dominé par l'Alliance de l'Etat de droit de Maliki face aux challengers du Bloc des citoyens et du parti Ahrar de l'influent Moqtada Sadr en retrait de la vie politique. Au Nord et à l'Ouest, le vivier sunnite est convoité par plusieurs coalitions, alors que, dans le Kurdistan autonome, la progression d'une nouvelle formation menace le duo historique de Jalal Talabani et de Barzani. Face au défi sécuritaire (600 morts en mars et 2.200 depuis le début de l'année), les législatives de toutes les divisions, redoutées par l'envoyé spécial de l'ONU, Nickolay Mladenov, se caractérisent par la résurgence des tensions entre le Kurdistan et l'Etat fédéral, alimentées par le désaccord pétrolier et l'approfondissement des antagonismes tribaux érigés en ligne de conduite électorale au détriment des « vraies questions » sociales et économiques.