L'ONU et la famille humanitaire ont tiré la sonnette d'alarme sur un Sud-Soudan au bord de la famine qui menace près d'un million de personnes. Au drame humanitaire, se greffe le drame ethnique révélé au monde entier par la barbarie de Bentiu, la ville stratégique reprise par la rébellion dans la perspective d'un contrôle jugé décisive des régions pétrolières. Les tueries ont révulsé le monde qui découvre « l'abomination » d'un massacre collectif. Washington se déclare « horrifié » et pointe l'index sur la rébellion conduite par Riek Machar. « Les images et les comptes rendus de ces attaques choquent les consciences : piles de cadavres à l'intérieur d'une mosquée, des patients assassinés dans un hôpital et des dizaines de civils abattus et tués dans les rues et dans une église, apparemment en raison de leur appartenance ethnique ou leur nationalité, alors que des discours de haine étaient diffusés à la radio », a ajouté le porte-parole de la Maison Blanche Jay Carney. Les premières accusations ont fusé de la Minuss (Mission onusienne de l'ONU au Soudan du Sud) qui a rendu l'ancien vice-président responsable de crimes par centaines de civils sur des bases ethniques, à partir du 15 avril correspondant à la prise de contrôle de la localité de Bentiu. Selon l'ONU, au moins 200 civils réfugiés dans une mosquée ont été massacrés par les forces pro-Machar, après avoir été sélectionnés sur des bases ethniques, de même que d'autres civils à l'église catholique et à l'hôpital de la ville, où des non-Nuers (ethnie dont est issu Riek Machar et qui forme l'essentiel de ses troupes) ont été « spécifiquement visés et tués ». Les enquêteurs onusiens affirment que les représailles ont visé des ressortissants soudanais du Darfour, accusés de prêter main forte à l'armée sud-soudanaise. Cette version a été cependant contestée par la rébellion dénonçant des « accusations sans fondement » et des « allégations ridicules fabriquées par (ses) ennemis », rendant les forces progouvernementales « entièrement responsables des tueries systématiques de civils sud-soudanais et étrangers à Bentiu » qu'elle a commises en se repliant. Mais, au moment même où le drame de Bentiu a révèle la face de la bête immonde, la base de l'ONu, qui abrite quelque 5.000 personnes, a subi une attaque lancée par des groupes armés qui a fait au moins 20 morts et 70 blessés. Qui arrêtera la dérive ethnique alimentée par de vieilles rivalités politiques et une lutte impitoyable pour la conquête du pouvoir ? Alors que les pourparlers sont dans l'impasse, des combats intenses se poursuivent également dans les Etats pétroliers d'Unité et du Haut-Nil (nord-est), ainsi que dans le vaste Etat du Jonglei (est). L'armée sud-soudanaise a été obligée de se retirer de la localité de Mayom, située à environ 50 Kms de Bentiu, selon le porte-parole Philip Aguer. La bataille pour le contrôle du pétrole (98% des recettes) fait rage dans un pays à feu et à sang. Dans les décombres de l'accord mort-né du cessez-le-feu, jamais appliqué depuis sa signature le 23 janvier dans la capitale éthiopienne, les deux camps qui se disent prêts aux négociations s'accusent mutuellement de refuser la paix. « Notre délégation va aller à Addis-Abeba négocier la paix », a assuré, mardi, le porte-parole du gouvernement sud-soudanais, Michael Makuei. « Mais nous croyons fermement que les rebelles ne veulent pas la paix », précise-t-il. A Addis-Abeba, un porte-parole des rebelles, Yohannes Musa Pouk, a quant à lui estimé que le « gouvernement pense pouvoir gagner la guerre par des opérations militaires et n'est donc pas sérieux ». L'impasse est donc totale.