Il est bien admis, notamment depuis l'explosion du trafic sur Internet et le basculement de la plupart des contenus, en format numérique, vers ce réseau, que la presse écrite vit une période difficile. Les chiffres de vente et leurs corollaires de la publicité sont en constante diminution, obligeant les éditeurs de journaux à de nouvelles aventures, éditoriales économiques et technologiques. Les relations du monde de l'édition de presse, particulièrement en Europe, avec Internet ont connu une cristallisation notable à la faveur du dernier conflit ayant opposé Google à des titres de la presse et autorités publiques en charge de la concurrence. Se présentant comme « défenseur des libertés : de presse, d'expression et d'entreprise » le géant de la recherche américain a depuis fait un certain nombre de gestes au bénéfice des journaux, avec, moment fort, l'octroi, en France, d'un montant de 60 millions d'euros pour la modernisation de la presse. Dans ce contexte de « tension et de conflit d'intérêts entre une presse traditionnelle jalouse de ses valeurs, et accrochée à des traditions de lecture et le réseau Internet basé sur l'instantanéité et l'ubiquité, quelle lecture faire de la mise en fonction annoncée pour dans quelque temps du kiosque payant d'accès aux contenus de presse de Google ? Depuis quelques années, les éditeurs de presse se sont lancés dans des expériences de diffusion numériques destinées à leur garantir des fins de mois acceptables sans tomber sous les fourches caudines des géants de l'internet. L'exemple est donné par la presse anglo-saxonne qui a réussi, en l'espace de quelques années, à renverser la vapeur et à tracer un tournant pour la presse. Les abonnements aux éditions numériques de journaux anglo-saxons deviennent substantiels. Dans certains cas, les recettes obtenues par la vente d'information arrivent aussi à l'emporter sur les rentrées publicitaires. La publication quotidienne britannique Financial Times a ainsi marqué des points sur ces deux tableaux. « À la fin de l'année, le journal référent de la City comptera plus d'abonnés à ses éditions numériques que de ventes d'exemplaires papiers, écrit le site www.lefigaro.fr qui poursuit : « C'est le pronostic fait par Rob Grimshaw, directeur de FT.com, lors de l'Internet Week New York mi-mai (2012). Le quotidien économique est aujourd'hui diffusé à 310.000 exemplaires, pour 270.000 abonnés numériques. La bascule s'est déjà faite sur le marché américain, en 2011. Le point d'inflexion sera atteint globalement grâce à l'essor du mobile. Chaque semaine, le Financial Times recrute 15 à 20% de ses nouveaux abonnés à travers ce canal. Pour Rob Grimshaw, il sera même le principal canal de distribution de l'information dans trois à quatre ans. » « Au final, nous disposons d'une activité qui est fondamentalement plus stable, plus prévisible, ce qui facilite les décisions d'investissement à long terme », avait souligné Rob Grimshaw. Tout comme le britannique Financial Times, le quotidien américain The New York Times enregistre lui aussi les bons résultats de l'expérience du numérique sur le papier. « De septembre 2011 à mars 2012, la diffusion des éditions numériques du New York Times a dépassé 807.000 exemplaires quotidiens, selon l'Audit Bureau of Circulations, l'équivalent américain de l'OJD » peut on lire sur le même site La bonne marge de progression sur l'ensemble du secteur fait que les éditions numériques représentent 14,2% de la diffusion globale des journaux américains, selon l'ABC, contre 8,7% en 2011. Encouragés par les scores des grands titres, beaucoup d'éditeurs de presse américains envisagent des formules payantes sur le numérique. Ainsi, le Chicago Tribune serait entrain d'étudier des formules d'abonnement pour certaines rubriques de son site. Le rival de proximité, le Chicago Sun-Times, a choisi une souscription par mois de 6,99 dollars pour une offre numérique en décembre dernier. Le groupe Mc Clatchy (Miami Herald, Kansas City Star...) fera des tests dans quelques villes avant d'être fixé sur un planning de lancement général d'abonnements numériques. En dehors de ces tentatives lancées par les éditeurs de presse, les géants de l'internet n'ont pas tardé de leur côté à intégrer des titres de presse dans leurs offres de contenus. Tout le monde se rappelle des fameuses batailles juridiques qui ont longuement opposé notamment Google à des éditeurs de presse, au motif de référencement sans autorisation ni retour de bénéfice pour les titres référencés. Les choses semblent avoir évolué depuis, et la presse a compris tout l'intérêt qu'elle peut tirer d'une complémentarité intelligente entre les deux modes de media. Les difficultés de distribution et de vente que connaît la presse écrite ne sont pas étrangères à ce revirement. Dans une analyse publiée par le quotidien suisse Le Temps dans son édition du 18 mars dernier, on apprend que « L'année dernière en France, plus de 1.000 points de vente ont fermé, leur nombre – entre 25.000 et 30.000 actuellement – ne cesse de diminuer d'année en année. Outre le prix des baux dans les centres des villes, les journaux qui ne sont pas livrés diminuent le chiffre d'affaires des kiosquiers. » Le quotidien s'appuie sur les derniers chiffres publiés par l'OJD (Office de Justification de la Diffusion), organisme parapublic chargé du contrôle de la diffusion des médias, pour témoigner de l'ampleur « des dégâts en termes de ventes. » « La diffusion payée des sept quotidiens nationaux a reculé de 6,5% en janvier 2013, par rapport à janvier 2012. Libération a été particulièrement touché avec une baisse de 10,6%, Le Monde recule de 8,6% et Le Figaro de 3,4% », avance le journal helvétique. Durant la seconde moitié de l'année écoulée, les éditeurs de presse français se sont fédérés pour lancer des solutions d'achat et de consultation de journaux au format numérique, dans le cadre d'un projet dénommé le groupement d'intérêts économiques (GIE) ePresse Le quotidien Le Figaro qui s'en était fait l'écho souligne à cet effet que « la plupart des quotidiens ainsi que 70 nouveaux titres, principalement des magazines, sont disponibles en ligne » Côté presse quotidienne nationale (PQN), les principaux titres y étaient, tels l'Humanité, le Figaro, l'Equipe, la Croix, les Echos et Libération, à l'exception de deux grands titres ; Le Monde et le Journal Du Dimanche (JDD). Le Monde ayant préféré sa propre application numérique que le second titre est allé s'afficher sur le kiosque du géant Apple. A travers ce kiosque ePresse, il est possible de lire la presse selon cinq formules mensuelles de 5, 15 ou 25 euros, ainsi explicitée par le site ZDNet.fr : « Pour 5 euros, l'utilisateur peut accéder à 5 numéros de quotidiens et 1 numéro de magazine dans le mois. Pour 15 euros, il peut choisir 25 numéros de quotidiens, ou 8 numéros de magazines, ou 10 quotidiens et 5 magazines. Enfin, la formule à 25 euros permet d'accéder à 30 numéros de quotidiens et 6 numéros de magazines. Cela correspond à une remise de 21 à 34% selon la formule choisie » Alors que le créneau des kiosques de presse payants est déjà investi par Apple et le site marchand américain Amazon, Google était resté en repli de ce créneau, suscitant moult interrogations sur ses véritables intentions. Ces derniers jours, des décryptages techniques ont permis de certifier que le géant est en voie de lancer son propre kiosque et que son annonce n'est qu'une question de temps. Le site www.la-croix.com est catégorique à ce sujet : « Après la vidéo, la musique, les ebooks, les magazines, Google Play pourrait augmenter son offre de contenus avec une section pour les journaux. C'est en tout cas ce que révèle le code source de Google Play. » La raison de ce qui n'est pour l'instant qu'une rumeur, explique le journaliste du site, « se trouve dans un fragment de code Javascript de Google Play qui intègre désormais des titres qui laissent peu de place à l'interprétation, puisqu'il est clairement inscrit que pour lire les « Google Play News », il faut un téléphone ou une tablette Android compatible. » Et le site d'indiquer des liens qui, soutient il, « ne laissent que peu de place à l'interprétation ». L'idée du kiosque payant de Google est donc bien avancée selon le site la-croix.com pour qui il ne reste que la date de son annonce et là également, il a son idée : « Sachant qu'une conférence Google I/O pour les développeurs aura lieu du 15 au 17 mai prochain à San Francisco, on peut imaginer une annonce à cette occasion. »