Ghaleb Bencheïkh, président de la Conférence mondiale des religions pour la paix, docteur d'Etat en physique, plus connu des Algériens comme l'animateur d'une émission sur l'Islam sur la chaîne de télévision France 2, a donné une conférence devant un public nombreux à la maison de la culture Taos-Amrouche de Bejaïa. Ghaleb Bencheikh s'est d'emblée défendu de vouloir asséner des vérités, assurant plutôt vouloir poser une problématique et susciter autour un débat. Orateur doué, il a de manière volontaire choisi de secouer les consciences en se faisant provocateur, tout en prenant soin de préciser encore une fois que son but n'était pas de choquer mais plutôt d'amener à s'exprimer les opinions contraires dans un dialogue apaisé. Il citera ainsi l'imam El Chafii qui a écrit croire que son opinion est juste et qu'en conséquence il la défendra crânement, même s'il sait qu'elle est certainement entachée d'erreurs, et qu'il écoutera avec autant de respect l'opinion contraire qu'il pense être fausse, mais qui doit certainement contenir des bribes de vérité. Ghaleb Bencheikh exposa donc sa vérité à propos de la pensée musulmane et de la posture des musulmans dans la période présente de leur histoire, car leur grandeur passée intéresse davantage le « médecin légiste ». Il estime qu'il faut cesser ce discours laudateur qui encense le passé des musulmans, sans le minorer, car leur réalité actuelle n'est pas très réjouissante. Dépasser les discours sclérosés est nécessaire, estime-t-il, affirmant que la pensée islamique doit, pour cela, accepter l'égalité entre tous les individus, s'inscrire résolument dans la laïcité et désacraliser la violence qui conduit inéluctablement au terrorisme. Il s'inscrit d'ailleurs en faux avec les tenants du « 6e pilier caché », c'est-à-dire le djihad, assurant que l'Islam est construit uniquement sur cinq piliers. Ghaleb Bencheïkh appelle à un éveil, un sursaut des consciences et ceci passe par l'acquisition de sciences efficaces et par l'ouverture sur les autres. Lors des débats, Ghaleb Bencheïkh explicita davantage sa pensée sur les questions soulevées par le public. Sur la laïcité, qu'il distingue de l'athéisme, il dit sans ambages rêver d'un Algérie sans ministère des Affaires religieuses, jugeant tout aussi « hérétique » l'idée d'un Etat ayant une religion, tel que prôné dans la Constitution. « Ce sont les individus qui ont une religion, pas l'administration ». Pour lui, il faut disjoindre la politique et la religion, car cette dernière n'en sort pas grandie de leur confusion. Il réfuta de même l'argument d'un intervenant qui affirmait que le prophète Mohamed, en plus de ses fonctions religieuses, ait accumulé celle d'un chef d'Etat, pour la bonne raison qu'à son époque il n'y avait pas d'Etat à proprement parler et qu'il n'a, à sa mort, laissé aucune consigne à ses disciples sur la façon de mener les affaires de ce monde. Un monde qu'il ne veut d'ailleurs, que les musulmans ne doivent surtout pas laisser aux seuls « kafirs », pour ne se satisfaire que d'une perspective de vie meilleure dans l'au-delà. A un autre intervenant qui reprochait le fait d'évoquer la solidarité avec la population de Ghaza sans faire de même avec celle de Ghardaïa, il répondra qu'effectivement la solidarité ne doit pas être sélective. A propos des « mangeurs » de ramadhan qui ont fait parler d'eux récemment à Tizi Ouzou, Ghaleb Bencheïkh dit ne pas être scandalisé outre mesure, estimant que les pratiques religieuses ne doivent pas être imposées, en arguant que le Coran laisse toute liberté à l'individu d'adhérer ou non à la foi musulmane. A cet effet, il cite une floraison de versets à propos desquels il précise qu'ils n'appellent aucunement à la répression des individus qui transgressent ces pratiques religieuses. Pour Ghaleb Bencheïkh, bousculer les tabous est une étape fondamentale, avec l'acquisition des sciences, du modus operandi qui permettra à la pensée et à la société musulmanes de se renouveler et de s'inscrire positivement dans le mouvement de l'histoire.