Al-Qaïda a de nouveau sévi au Liban. Elle a lancé, samedi dernier, une attaque contre des postes frontaliers de la région d'Aarsal provoquant la mort de dix soldats. Treize autres, probablement retenus otages, sont portés disparus, selon le ministre de la Défense, le général Jean Kahwaji. Deux habitants qui tentaient de s'interposer ont été également tués. Cette attaque contre « l'Etat libanais et les forces armées libanaises » dénoncée par le Premier ministre libanais, Tammam Salam, a été déclenchée par l'arrestation d'un membre présumé de la branche syrienne d'Al-Qaïda, le Syrien Imad Ahmad Jomaâ qui a reconnu appartenir au Front Al-Nosra. De façon « ferme et résolue », l'armée libanaise, qui redoute le syndrome syrien, a prévenu, dans un communiqué, qu'elle « ne permettra à personne de transférer le conflit de la Syrie », alors que le Premier ministre a appelé « toutes les forces politiques à agir avec sagesse et responsabilité et à faire des efforts pour protéger le Liban et l'éloigner des dangers qui l'entourent ». Plus qu'un simple incident de parcours, l'attaque d'Aarsal, une localité montagneuse érigée en sanctuaire de la rébellion, véhicule le risque grandissant de contagion. Elle est au cœur de fortes tensions générées par les nombreuses attaques lancées contre l'armée libanaise et le pilonnage systématique de l'aviation syrienne. Dans la ville syrienne voisine de Qalamoun, les combattants d'Al-Nosra et de l'Etat islamique (EI), qui tentent désespérément de préserver leurs positions, ont subi des revers importants. Alliés au Liban, les « frères ennemis » se livrent néanmoins une guerre sans merci au nord et à l'est de la Syrie, tombés au main de l'EI, établissant le califat et régnant en maître absolu sur la province syrienne, allant de Diar Ezzor à Tikrit, en passant par Falloujah et jusqu'à la localité kurde de Sinjar, proche de la frontière syrienne. Le « front irakien » de l'EI se renforce par la prise de la ville irakienne d'El-Qaïm et de la principale ville de Diar Ezzor, Boukamal, instituée dès lors en verrou des deux côtés de la frontière. Cette progression exponentielle de l'EI, réduisant à néant la fantomatique Armée de libération syrienne et chassant les combattants d'Al-Nosra des dernières localités syriennes de Chouheïl et d'Aachara, pose la problématique du soutien occidental à la rébellion en perte de vitesse. L'effet dominos, suscitant la condamnation « ferme » du département d'Etat appelant toutes les parties à la neutralité du Liban, ignore la cause fondamentale qui reste la guerre impériale imposée à la Syrie voisine confrontée à la déferlante islamiste à multiples étendards.