Dans une conférence sur le Congrès de la Soummam, à l'occasion de la fête de l'Indépendance, le 5 juillet dernier, tenue au siège du ministère des Affaires étrangères, le général-major à la retraite, Hocine Benmaâlam, un des participants à ce congrès, a indiqué que ce dernier avait « jeté les bases de la Révolution algérienne et unifié la vision de ses dirigeants ». Le congrès a été sanctionné de décisions « très importantes », entre autres, la désignation des instances de direction de la Révolution au niveau de l'Armée de libération nationale (ALN) et la mise en place d'une instance exécutive regroupant 15 membres. Le congrès a aussi délimité les Wilayas, elles mêmes divisées en quatre zones, chaque zone en quatre régions et chaque région en quatre secteurs, outre la création de la sixième Wilaya et de la Zone autonome d'Alger. Les grades militaires de l'ALN avaient été, pour la première fois, adoptés. Les historiens, d'une manière générale, reconnaissent que le Congrès de la Soummam fait figure d'évènement historique pour la révolution puisqu'il a été « déterminant pour sa réussite ». La charte adoptée à son issue a doté la Révolution des structures qui lui manquaient et « consacré le FLN comme seul représentant du peuple algérien ». Parmi les principes qui ont fait l'objet de frictions entre responsables de la Révolution, le congrès a réussi à imposer « la primauté du politique sur le militaire » et de « l'intérieur sur l'extérieur ». Il a également consacré la mise en place d'une administration civile qui se chargera, à la place de l'administration coloniale, d'officialiser au profit des citoyens les questions de mariage, de régler les litiges et conflits personnels, etc. Le congrès eut lieu le 20 août 1956 dans la maison forestière d'Ighbal, à Ifri, commune d'Ouzellaguène, sur la rive gauche de la Soummam, à quelques kilomètres d'Akbou. Au lendemain de l'offensive de Zighout, le 20 août 1955, dans le Nord constantinois, Abane avait entamé des contacts avec les dirigeants des différentes zones et des responsables à l'extérieur, au Caire, pour la tenue d'une réunion des responsables de la Révolution. Cette réunion devait permettre de faire le bilan des opérations et de coordonner leurs actions. Le congrès qui a été organisé par Abane Ramdane et Larbi Ben-M'hidi avait enregistré la présence bien sûr de Ben-M'hidi, représentant l'Oranie (président de séance), Abane Ramdane, représentant le FLN (secrétaire de séance), Omar Ouamrane, représentant l'Algérois, Krim Belkacem, représentant la Kabylie, qui a assuré la prise en charge logistique et la sécurité du congrès, Zighoud Youcef, représentant le Nord constantinois, Lakhdar Bentobbal, adjoint de Zighoud. Les six étaient secondés par leurs adjoints. Ali Kafi et Mostefa Benaouda avec Zighoud et Bentobbal, Saïd Mohammedi et Aït-Hamouda (Amirouche) avec Krim (zone 3), Dehilès, Si M'hamed Bouguerra et Ali Mellah avec Ouamrane. Parmi les absents, on notera les représentants de l'Ouest algérien, des Aurès (Mostefa Ben-Boulaïd), du Sud, Si Cherif, qui avait adressé son rapport à la réunion. Pour ce qui est de la région des Aurès, on explique cette absence par un problème de succession à la tête de la région après la mort de Ben-Boulaïd. En effet, la future Wilaya 1 « traversait une crise de pouvoir entre Abbas Laghrour, Adjel Adjoul et Omar Ben-Boulaïd, chacun prétendant succéder à Mostefa Ben-Boulaïd ». Il faut ajouter aux défections citées plus haut celle de la Fédération de France ainsi que celle des délégués de l'extérieur, Aït Ahmed, Khider et Ben- Bella. La « primauté de l'intérieur sur l'extérieur et du politique sur le militaire » L'adoption du principe de la primauté de l'intérieur sur l'extérieur sera « à l'origine d'une crise au sein de la direction de la Révolution ». Les délégués se sont séparés le 11 septembre, en entérinant les grandes lignes du texte de la plateforme de la Soummam ainsi que la composante du Conseil national de la Révolution (CNRA), une des deux instances, avec le CCE (Comité de coordination et d'exécution), créées par la Révolution. Abane avec l'appui de Krim Belkacem et de Larbi Ben-M'hidi, « marquera de son empreinte le programme adopté lors de ce congrès », selon des historiens. Il avait préparé la plateforme du congrès « bien avant sa tenue ». Il aurait « saisi par lettre datée du 14 mai 1956 les responsables du FLN au Caire annonçant le déroulement du congrès en invitant la délégation de l'extérieur à y envoyer ses représentants ». La plateforme de la Soummam avait abordé toutes les questions auxquelles faisait face la révolution, « la situation politique, le rôle de l'ALN, les perspectives politiques du FLN, la faillite des formations politiques, le rôle négatif des messalistes, ainsi que les conditions des négociations avec la France ». Elle souligne aussi que « l'action de l'ALN a bouleversé le climat politique en Algérie et a provoqué un choc psychologique qui a libéré le peuple de sa torpeur de la peur, de son scepticisme. Elle a également déterminé une union psycho-politique de tous les Algériens, cette unanimité nationale qui féconde la lutte armée et rend inéluctable la victoire de la liberté ». La charte adoptée par les congressistes a aussi confirmé les principes énoncés par l'appel du 1er Novembre, à savoir « pas de cessez-le-feu avant la reconnaissance de l'indépendance du pays, de l'intégrité de son territoire, Sahara compris ».