Les « phablets », ces téléphones mobiles grand format, peuvent-ils séduire en dehors de l'Asie ? Les principaux fabricants ont dévoilé leurs nouveaux modèles, cette semaine, au salon IFA de Berlin, sur une terre européenne qui reste encore largement à conquérir. Sur le stand du chinois Huawei, Bernd Adam s'attarde sur les smartphones. Invariablement, il revient toujours vers les plus grands. Avec leur diagonale d'écran de 14 cm ou plus, ils sont à mi-chemin entre le téléphone et la tablette. D'où ce surnom un brin barbare de « phablets ». « Je songe à en acheter un. On peut tout faire avec et on n'a plus à se poser la question de savoir si on a vraiment besoin d'une tablette », raconte un Berlinois de 57 ans. Peu lui importe que l'objet dépasse de sa poche, « tant qu'il tient dans la main ». Sous ses lunettes carrées, l'Allemand porte un Nokia à clavier en bandoulière. Il utilise aussi une tablette à la maison, la Nexus 7 de Google, mais ce dernier achat n'a « pas été concluant ». Son raisonnement explique le succès des « phablets » en Asie depuis quelques années. Là-bas, les téléphones géants grignotent le pré-carré des tablettes et séduisent par leur fonction 2 en 1. La Chine, premier consommateur Tout a commencé en 2011 lorsque Samsung a dévoilé son Galaxy Note 3. Un ovni sur le marché de l'époque, avec sa diagonale de 13,5 cm. Mais l'audace du coréen a redonné de la vigueur à un marché du mobile menacé par un ralentissement des ventes. Rien qu'en 2014, il devrait s'écouler 20 millions de « phablets » dans le monde, selon Juniper Research. A l'horizon 2018, les fabricants pourraient vendre 120 millions de ces téléphones chaque année, estime le cabinet spécialisé. Mais la moitié des ventes sera destinée à l'Asie de l'Est et à la Chine. L'Empire du milieu a fait des phablets sa nouvelle lubie. Ils représentaient 44% des ventes de smartphones dans le pays en décembre 2013, selon l'institut allemand GfK. En Allemagne, les phablets ne pesaient que 3% des ventes totales sur le même mois. Difficile donc de parler d'un engouement mondial. « Le buzz autour des phablets est surjoué. C'est encore un marché de niche en dehors de l'Asie du Sud-Est. En Europe, les ventes d'appareils avec une diagonale de 15 cm sont très modestes par rapport à la vente de ceux entre 10 et 12,5 cm », estime Annette Zimmermann du cabinet Gartner. Pouvoir d'influence Pourtant, la taille compte et les phablets ont démontré leur pouvoir d'influence. « Aujourd'hui, la taille de tous les smartphones a augmenté. En Europe, ce que nous aurions appelé un phablet il y a encore trois ans est désormais considéré comme un smartphone normal », remarque Ian Fogg, analyste chez le cabinet IHS. L'iPhone 5S flirte par exemple avec les 13 cm de diagonale, une dimension proche du premier Galaxy Note. Apple joue d'ailleurs les trouble-fêtes à l'IFA cette année. Comme à son habitude, il snobe le salon. Mais il organise un événement mystère demain en Californie, la veille de la fin de la grand-messe européenne de l'électronique. La plupart des observateurs s'attendent à découvrir un iPhone 6 à l'écran encore élargi, pour suivre la tendance et plaire aux consommateurs. Mais il devrait toujours tenir dans une poche de pantalon, avance Ian Fogg. « Une fois que cela ne rentre plus dans la poche, on tombe dans une toute autre catégorie. Et c'est vrai que les très grands écrans sont surtout populaires en Asie », reconnaît l'analyste. Ecrire en idéogrammes sur un clavier tactile est notamment plus facile si l'écran est plus large, souligne-t-il.