Trois ans après la chute de Kaddafi, les autorités libyennes, qui font face à des milices qui se battent dans un pays transformé en une « armurerie » à ciel ouvert avec des « orgues de Staline » et des aéronefs non identifiés, redoutent, et avec elles, la communauté internationale, le scénario somalien. Abdallah al-Theni, le chef du gouvernement libyen intérimaire, ordonne aux forces armées qui ont pris, hier, sous le commandement de l'état-major, le contrôle de toutes les entrées et sorties de la ville de Benghazi, d'avancer vers Tripoli pour la libérer des groupes armés. Aux populations de la capitale, il leur demande de désobéir aux milices « hors la loi » qui sèment le chaos partout où elles passent. « Jusqu'à la reprise du contrôle de la capitale par les forces gouvernementales », leur précise-t-il. Al-Theni, dont le gouvernement est reconnu par la communauté internationale et le Parlement élu le 25 juin, ont quitté la capitale, fin août, pour échapper aux attaques de ces milices. Vont-ils réussir à asseoir l'ordre en Libye ? La question reste posée. Trois ans après la chute du régime de Kadhafi en 2011 après une « révolte » de huit mois, la situation est loin d'être pacifiée. Malgré les appels de l'ONU à un cessez-le-feu. Pis, Fajr Libya, une coalition hétéroclite de milices, présentée par Theni, comme « le bras armé de l'islam politique » en particulier les Frères musulmans qui n'ont pas accepté, selon lui, le résultat des urnes lors des législatives de juin, a installé cet été un gouvernement parallèle à Tripoli. Une des raisons de cette déliquescence : aucun gouvernement n'a eu les moyens nécessaires pour former une armée régulière professionnelle à même de s'imposer face aux centaines de milices « terroristes ». Avec le lancement par le général Haftar d'une opération baptisée « Dignité », sous le commandement de l'armée, les choses pourraient « évoluer ». Surtout si l'armée qui a enregistré de grandes avancées sur l'ensemble des régions de combats dans la ville de Bengazi ainsi que dans l'ouest de la capitale, selon son porte-parole, Ahmad al-Mesmari, continue dans sa lancée. Idem pour ses alliés. Les milices progouvernementales de Zenten (170 km au sud-ouest de Tripoli), placées sous le commandement de l'armée, ont lancé, elles aussi, avec d'autres « unités loyales », une offensive contre les milices de Fajr Libya. Cité par certains médias, Noureddine Meftah, le maire de Kekla (ville située à quelque 120 km au sud-ouest de la capitale), fait état de « plus de 100 personnes tuées et 300 blessées depuis le 11 octobre ». Nabil-Al arabi, le secrétaire général de la Ligue arabe, met en garde les Libyens contre la gravité de la situation. Il propose une rencontre aux chefs de milices pour rechercher une solution définitive et demande à Nacer al Kodoua, son envoyé spécial en Libye, de « fournir davantage d'efforts » pour expliquer aux uns et aux autres « l'importance d'une solution politique à la crise actuelle ». Un appel que partagent les ministres des Affaires étrangères européens. Réunis lundi au Luxembourg, ils ont réitéré leur soutien au parlement libyen présenté comme le « seul et légitime représentant de l'autorité » gouvernementale. Ils ont aussi appelé toutes les parties belligérantes à trouver une solution à la crise institutionnelle en Libye. Précision des Européens : « la Libye, qui a besoin d'un gouvernement fort, ne peut pas se permettre d'être divisée ». Au moment où tout le monde appelle à l'unité et au respect des institutions légitimes, Recep Tayyip Erdogan, le président turc, dépêche, à Tripoli, Emrullah Isler, son envoyé spécial, pour rencontrer Omar Al hassi, le chef du gouvernement auto-déclaré en Libye.