Le forum annuel de l'APEC, qui se tient depuis hier à Pékin, marque la montée en puissance de la Chine qui entend disputer le leadership aux Etats-Unis. Sur fond de tensions, caractérisées par les retombées de la crise de Hong Kong, et les rivalités de puissance régionale et mondiale, les sujets de discorde ne manquent pas. La première passe d'armes d'Obama, appelant au respect des droits de l'Homme et de la liberté de la presse, place dans le viseur la Chine sommée de libéraliser le marché, de garantir un traitement plus équitable des entreprises étrangères et d'œuvrer à la convertibilité du yuan, assurant, toutefois, tout l'intérêt des Etats-Unis dans l'émergence d'une « Chine prospère, pacifique et stable ». Tout l'enjeu de l'APEC porte sur les projets de libre-échange que les Américains veulent contracter avec leur allié japonais, pourtant réticent à s'engager dans l'ouverture de son marché agricole, pour mieux marginaliser le grand rival chinois. « Nous assistons à une dynamique autour de ce partenariat qui peut favoriser la croissance économique et les créations d'emplois », a soutenu Obama lors d'une réunion avec les 12 partenaires à l'ambassade Us à Pékin. La riposte chinoise prend la forme d'une zone de libre-échange de l'Asie-Pacifique (FTAAP) perçue par le représentant américain au commerce, Michael Forman, comme une « aspiration à long terme ». Elle a, cependant, rallié la cause de la Corée du Sud dont les exportations (117 milliards d'euros) vers la Chine constituent près du quart du flux international. Il s'agit de son plus important partenaire (183 milliards d'euros d'échanges commerciaux en 2013) et naturellement le moteur du projet d'accord de libre-échange permettant l'élimination des droits de douane sur plus de 90% des marchandises. Il reste seulement certains « détails » à discuter avant la signature de l'accord qui exclut certaines denrées agricoles (riz, bœuf, porc), en réponse aux inquiétudes des agriculteurs sud-coréens, et lève les restrictions règlementaires dans des secteurs comme les services, les investissements, la finance et la culture. L'initiative chinoise se dope également des retrouvailles avec le frère ennemi japonais. Entre le Premier ministre japonais, Shinzo Abe, et le président chinois, Xi Jinping, l'heure est au dégel des relations envenimées par des contentieux territoriaux et historiques. Ils ont tenu leur premier sommet bilatéral, depuis décembre 2011, considéré par Abe comme « le début d'un retour à une relation mutuellement bénéfique basée sur des intérêts stratégiques communs ». Pour Xi Jinping, « la Chine souhaite que le Japon poursuive sur la voie du développement pacifique ». Entre la deuxième et la troisième économie mondiale, l'avenir d'un « développement conjoint », fortement souligné par la télévision nippone NHK, a donc pris le pas sur le passé ombrageux. Cette dynamique régionale est davantage confortée par la formidable poussée de « l'arbre des relations sino-russes », largement traduite par la 10e rencontre en moins de deux ans entre le président chinois Xi Jinping, et son homologue russe Vladimir Poutine. « Quels que soient les changements dans l'arène mondiale, nous devons poursuivre sur la voie que nous avons choisie pour prolonger et renforcer notre coopération mutuelle fructueuse », a affirmé Xi Jinping. Une coopération stratégique qui prend la tangente du grand désordre international et voulue par Poutine comme un moyen de « maintenir le monde dans le cadre des lois internationales, pour qu'il soit plus stable et moins imprévisible ». Aux antipodes des relations exécrables qui fondent la dure compétition entre l'Occident et le couple sino-russe, le rapprochement à pas de géant se concrétise par la signature de plusieurs accords, notamment dans le domaine énergétique entre les géants russe Rosneft et chinois CNPC. L'un de ces accords, portant sur le gaz, doit permettre à CNPC de prendre une participation minoritaire de 10% dans le gisement géant de Vankor (Grand-Nord russe) et répondre aux besoins croissants de la Chine. Un mégacontrat de livraison de gaz russe à Pékin, estimé à 400 milliards de dollars, sur 30 ans, a été conclu cette année. A Pékin, le frémissement du monde de demain se fait sentir.